L’Inspection générale des finances et l’Inspection des affaires culturelles multiplient les critiques contre un système qui coûte 300 millions d’euros par an aux Français.
Payer 14 euros pour avoir le droit de copier manuellement le contenu d’un CD sur son smartphone a-t-il encore un sens en 2022? Autour de cette épineuse question de la redevance pour copie privée, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection des affaires culturelles (IGAC) voudraient davantage de transparence, expliquent-elles dans un rapport évoqué par le site l’Informé. Un document de plus de 300 pages, que Tech&Co a également pu consulter.
Pour rappel, la redevance pour copie privée, instaurée en France en 1985, consiste à faire payer les acheteurs de supports de stockage (cassettes, CD, puis smartphones) pour avoir le droit de réaliser des copies à usage personnel, par exemple sur un lecteur MP3 pour écouter un morceau en déplacement. Mais la situation actuelle fait face à un paradoxe de taille: alors que les usages ont évolué, cette redevance n’a jamais autant rapporté aux ayants droit: environ 300 millions d’euros chaque année.
Des études biaisées
Et pour cause, le principal appareil touché par cette redevance n’est autre que le smartphone. Pour les modèles dont la capacité de stockage est égale ou supérieure à 64 Go (la majorité des smartphones vendus en France), le client doit débourser la somme de 14 euros, comprise dans le prix affiché.
Pour justifier cette redevance, la Commission pour la rémunération de la copie privée s’appuie sur des études d’usage, financées par les ayants droit eux-mêmes. Selon le rapport, ces études, qui visent à interroger un panel de Français pour comprendre leurs usages, souffrent de lacunes importantes, avec des questions trop complexes et des échantillons bien moins importants que chez nos voisins européens. Le tout avec une méthodologie qui n’a pas été mise à jour depuis 2012 et des données datées.
“Les études d’usages qui fondent les barèmes des principaux supports reposent sur des données d’usages datant au mieux de 2017 ou 2018 et sont donc anciennes au regard de l’évolution rapide des pratiques de consommation”, tacle ainsi le rapport, qui souligne que les recettes de cette redevance pourraient “atteindre 380 millions d’euros à court terme”.
Les deux inspections pointent également l’opacité autour de ces études censées justificer l’application de cette redevance, qui ne sont pourtant pas rendues publiques. A tel point que la publication systématique de telles études est la toute première proposition du rapport.
Les Français les plus “taxés”
De façon générale, le rapport pointe les biais de ces études afin de les rendre artificiellement favorables aux ayants droits. Comme le rappelle l’Informé, les ayants droit veulent inclure les téléchargements des internautes utilisant des plateformes de streaming comme Deezer ou Spotify comme exemples de l’application du système de copie privée.
Problème: ces téléchargements ne concernent pas la copie privée, dans la mesure où l’utilisateur paie déjà son abonnement pour obtenir ce service d’écoute hors-ligne, et ne peut donc être facturé deux fois, rappellent l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection des affaires culturelles (IGAC).
Malgré l’évolution des usages, le gouvernement avait toutefois choisi de soumettre les smartphones reconditionnés à cette redevance pour copie privée en 2021, au grand dam du secrétaire d’Etat au Numérique de l’époque Cédric O.
Si le sujet est aussi sensible, c’est que les ayants droits français sont les plus gourmands de l’Union Européenne. D’après les chiffres rappelés dans le rapport, un Français payait 4,1 euros par an pour la copie privée en 2018, contre 4 euros pour un Allemand, et 50 centimes pour un Suédois.