On s’y baigne le plus souvent en juillet et août, mais de plus en plus également durant d’autres périodes de l’année. Mais les eaux du littoral sont-elles réellement saines ? Futura est allé se renseigner auprès de l’ONG Surfrider Ocean Foundation Europe, qui lutte pour une meilleure évaluation de la qualité de l’eau.
Alors que cet automne, la France subit des températures bien au-dessus des normales de saison, les baignades sont probablement elles aussi plus nombreuses que lors d’un mois d’octobre habituel. Mais la qualité de l’eau du littoral, elle, n’est contrôlée qu’entre juillet et août, explique à Futura Marc Valmassoni, responsable du programme Eau et Santé de l’ONG Surfrider Foundation Europe. Ayant fait parler d’elle dans les années 2000 lors de sa campagne des pavillons noirs, en opposition aux pavillons bleus, cette ONG lutte à travers divers axes pour la protection des océans. Actuellement, l’équipe de Marc travaille avec la commission européenne pour mieux réglementer la façon dont cette qualité est contrôlée.
Seulement deux indicateurs, mais bien plus de polluants
Une nouvelle réglementation qui devrait être soumise à consultation aux États membres courant 2023, puis mise en application dès 2024. Quel est le problème avec celle en vigueur actuellement ? Il y en a plusieurs, à commencer par les zones où l’on s’assure que l’eau est saine. « Seules les eaux de baignade sont évaluées, là où se trouvent les plages et la plupart des baigneurs. Mais les zones récréatives prisées par les surfeurs par exemple, ne sont pas contrôlées », déplore Marc Valmassoni. Les contrôles ne sont effectués que sur une période qui n’est pas en cohérence avec les nouveaux usages. Pourtant, qu’il s’agisse de sports nautiques ou de baignades récréatives, les littoraux sont fréquentés tout au long de l’année : « Parmi nos propositions, il y a notamment celle de la surveillance à l’année, en plus de l’élargissement des zones à tous les sports nautiques des littoraux », explique le responsable de l’ONG.
Enfin, les contrôles eux-mêmes seraient à revoir. Actuellement, seuls deux indicateurs bactériologiques sont utilisés, les entérocoques intestinaux et Escherichia coli. « Ce sont de bons indicateurs bactériologiques, car s’ils sont présents dans l’eau, il est probable que d’autres bactéries, comme des staphylocoques, soient présentes aussi. Leur détection est associée à des rejets provenant de stations d’épuration, ou d’autres types d’eaux non traitées », explique-t-il. Mais les polluants de toutes les autres origines ne sont, eux, pas pris en compte. « Il existe toute une batterie d’autres polluants : métaux lourds, cosmétiques, produits phytosanitaires, engrais, pesticides… », cite Marc Valmassoni.
Des composants qu’essaie d’évaluer son équipe, dans un partenariat avec l’Ifremer et l’UMR EPOC. « On utilise des échantillonneurs passifs qui jouent le rôle de capteurs. Une membrane vient « fixer » les polluants lorsqu’elle est immergée. Des surfeurs s’équipent ensuite de ce dispositif en le passant autour de la cheville, et le portent à chaque séance. Au total, on devrait obtenir l’équivalent de 100 heures de baignade en données recueillies, suffisamment pour avoir une bonne estimation des substances chimiques présentes dans l’eau », complète-t-il.
Le réchauffement climatique va aggraver la situation
Mais si les indicateurs sont à revoir, Marc Valmassoni reste optimiste quant aux améliorations de ces dernières années. « La qualité bactériologique de l’eau s’est améliorée ces vingt dernières années, notamment par la prise en considération des politiques sur les enjeux liés à l’assainissement et la mise aux normes de stations d’épuration », explique-t-il. Mais, comme pour beaucoup de problématiques en lien avec l’environnement, le réchauffement climatique risque bien de faire changer les choses. Ou plutôt, de les empirer. Un effet qui a été constaté dès cet été, avec la prolifération inattendue d’algues du genre Ostreopsis. « Deux espèces ont été constatées près de la côte Atlantique : Ostreopsis ovata et Ostreopsis siamensis. Ovata a été observée depuis des années en Méditerranée, alors que ces deux algues viennent d’arriver dans le sud-ouest de la France », détaille Marc Valmassoni.
Or, Ostreopsis ovata libère une toxine, la palytoxine, qui génère différents symptômes chez l’humain : troubles respiratoires, fièvre, rhume. Des effets qui peuvent apparaître même sans baignade, par exemple par inhalation des gouttelettes transportées par le vent. « Ovata crée des symptômes similaires à la Covid et peut être confondue avec, si bien que le nombre de signalements, environ 800 cet été, est sûrement bien plus faible que le nombre réel de personnes touchées, peut-être 10 fois moindre », explique-t-il. Maintenant que ces algues sont là, elles vont le rester. « Pour le moment, on ne peut associer une quantité constatée à un risque : il faut d’abord les différencier. Mais cela nécessite des analyses génétiques et moléculaires, qui sont beaucoup plus complexes à réaliser que simplement du comptage visuel », complète le responsable.
Enfin, le réchauffement climatique augmente le nombre d’événements climatiques extrêmes dont les crues, et autres épisodes de pluies intenses. À chacun de ces événements très violents, comme il devrait s’en produire de plus en plus avec le réchauffement climatique, les eaux de ruissellement se déversent dans le littoral. De nombreuses substances se dégradent, mais d’autres restent. « Les eaux de ruissellement charrient de plus en plus d’éléments dangereux : des hydrocarbures provenant de la chaussée, ou encore des médicaments et des cosmétiques qui ne se dégradent pas », regrette Marc Valmassoni. Un effet d’autant plus aggravé par le nombre des sécheresses en augmentation qui empêchent une bonne dilution.