La Conférence des Parties (COP), c’est l’occasion pour les leaders mondiaux de s’engager à lutter contre la crise climatique. Alors que la 27e édition doit s’ouvrir le dimanche 6 novembre à Charm el-Cheikh, en Égypte, on fait le point sur l’état du climat et sur ce qu’il faudra surveiller durant cette grande rencontre internationale.
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Vers un réchauffement de 2,6 °C
Le monde s’est déjà réchauffé de 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle et déjà, on subit les foudres du climat: il n’y a qu’à penser aux canicules et aux vagues de chaleur qui se sont succédé en Europe, au Royaume-Uni et en Chine, aux inondations qui ont submergé le tiers du Pakistan, ou aux feux de forêt qui ont brûlé l’ouest du Canada et des États-Unis.
Pour éviter d’exacerber les conséquences des changements climatiques, il faudrait limiter le réchauffement à 1,5 °C. Il est toutefois à peu près impossible d’atteindre cet objectif, qui était le plus ambitieux de l’accord de Paris, selon les experts.
Les engagements actuels des 196 États signataires nous mènent plutôt vers un réchauffement de 2,6 °C.
«Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale [et] vers des niveaux de réchauffement planétaire destructeurs pour l’économie», a récemment alerté le patron de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres.
Ce dernier qualifie les engagements des États, pour limiter le réchauffement, comme étant «pitoyables et peu ambitieux».
53 gigatonnes de GES
En 2021, le monde a émis près de 53 gigatonnes (Gt) de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, ce qui équivaut au niveau record atteint en 2019, estime le Programme des Nations unies pour l’environnement. Et l’on projette que ces émissions vont continuer à augmenter.
D’ici 2030, elles pourraient être plus élevées de 10,6% par rapport à 2010 et atteindre 58 Gt, alors qu’elles doivent plutôt reculer de 45% pour limiter le réchauffement climatique, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
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L’année dernière, durant la COP26 de Glasgow, au Royaume-Uni, les pays s’étaient pourtant engagés à rehausser leurs efforts pour réduire leurs émissions de GES. Seuls 24 des 196 signataires l’ont fait. Le Canada n’est pas l’un d’eux.
Face à l’urgence climatique, le Québec et le Canada ne comptent pas modifier leurs cibles de diminution des GES – lesquelles sont respectivement de 37,5% par rapport à 1990 d’ici 2030 et de 40% par rapport à 2005 d’ici 2030, rapportait Le Devoir.
Le Réseau action climat Canada estime cependant que le Québec et le Canada devraient élever leur cible de réduction de GES à au moins 60% pour mieux refléter leur contribution historique au réchauffement climatique.
Ça sert à quoi, au juste, la COP?
Essentiellement, ces rencontres servent à faire le point sur l’état de la lutte contre les changements climatiques et à la renforcer en s’entendant sur une stratégie globale. Ces rencontres permettent aussi de mettre certains enjeux dans le programme politique des leaders mondiaux.
Mais est-ce que ça vaut la peine d’y assister, sachant que les progrès sont minimes? Le célèbre environnementaliste David Suzuki a déjà fait valoir, en entrevue à Radio-Canada, que «nous avons déjà eu 25 COP et aucune d’entre elles n’a permis de réduire nos émissions de gaz à effet de serre». La militante suédoise Greta Thunberg a aussi qualifié ces rencontres de «machines à greenwashing».
«On comprend d’où vient la frustration et on la partage à plusieurs égards; les conférences sont mal utilisées et ne livrent pas la marchandise parce qu’on s’en va vers un monde invivable», indique Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada.
«Mais les COP restent essentielles, parce qu’elles sont l’une des seules plateformes internationales permettant de régler la crise climatique», ajoute-t-il.
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«Pour les États plus vulnérables, aller à la COP n’est pas un choix. C’est un lieu de gouvernance où leurs communautés peuvent partager leurs revendications et être entendues», renchérit Eddy Pérez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada.
Les enjeux à surveiller
- Les pertes et préjudices aux pays vulnérables
Responsables d’à peine 5% des émissions de GES mondiales, les pays en développement sont ceux qui sont les plus touchés par les conséquences des changements climatiques.
En 2015, ils ont formé le V20, qui regroupe 58 de ces États situés majoritairement dans l’hémisphère Sud, pour réclamer aux pays riches, responsables de 80% des GES mondiaux, des paiements en pertes et préjudices pour les dommages causés par les phénomènes météo extrêmes.
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Pour eux, la COP27 est «la COP de l’espoir», affirme Eddy Pérez. Ces pays iront militer pour que les banques s’attaquent à la crise climatique, sans quoi ils cesseront de payer leur dette collective s’élevant à 685 milliards $.
La COP27 sera aussi l’occasion de rappeler l’engagement des pays développés à fournir 100 milliards $ par année d’ici 2025 pour permettre aux États plus pauvres de s’adapter à la crise climatique.
- La baisse des émissions de GES
Greenpeace et le Réseau action climat Canada s’attendent à ce que le Québec et le Canada rehaussent leurs ambitions en matière d’émissions de GES, comme ils s’étaient engagés à le faire à la COP26, et que celles-ci reflètent leur responsabilité historique dans la crise climatique.
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À ce chapitre, «le gouvernement a vraiment échoué à son test», déplore Eddy Pérez, qui surveille de près ce que Steven Guilbeault, le ministre fédéral de l’Environnement, présentera comme engagement à la COP27.
Le Québec ne doit pas non plus arriver les mains vides, dit Eddy Pérez. À l’heure actuelle, le Plan pour une économie verte du gouvernement Legault ne prévoit en effet que la moitié des mesures pour atteindre son objectif de réduction des émissions de GES de 37,5%, qui est tout de même «largement insuffisant».
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- La fin du financement des combustibles fossiles
Le gouvernement Trudeau s’était engagé à mettre fin au financement des projets dits «inefficaces» du secteur des combustibles fossiles d’ici 2023.
Or, un rapport de l’organisme étatsunien Oil Change International révèle que le Canada se classe au deuxième rang des pays du G20 en matière de financement public à l’industrie des énergies fossiles, avec 8,5 milliards $ versés en subventions entre 2009 et 2021. Dans l’ensemble, les pays du G20 ont fourni 55 milliards $ par année à ce secteur. C’est près du double des subventions accordées aux énergies propres (29 milliards $).
Un rapport publié la semaine dernière par l’Agence internationale de l’énergie donne cependant une lueur d’espoir, estimant que la demande pour les combustibles fossiles pourrait plafonner d’ici 2035. Et c’est en partie grâce à la guerre en Ukraine, qui a accéléré la transition vers les énergies renouvelables.
Rappelons que la dépendance mondiale aux hydrocarbures est l’un des facteurs qui nous ralentissent dans notre lutte contre les changements climatiques.
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