God of War Ragnarök est disponible ce 9 novembre sur PS4 et PS5. Le jeu reprend les aventures du demi-dieu Kratos et de son fils Atreus devenu adolescent. Une ode à la parentalité et aux difficultés de laisser ses enfants grandir.
Quatre ans après un retour de Kratos auréolé de succès, le demi-dieu spartiate de la guerre devenu père, et son fils Atreus, sont de retour ce vendredi dans God of War Ragnarök, un jeu vidéo exclusif à la PS4 et la PS5. Une nouvelle balade dans les méandres mythologiques, mâtinée de dieux nordiques cette fois, et de monstres à combattre. Mais surtout une épopée aussi survoltée qu’introspective pour les deux héros.
Car God of War Ragnarök, avant d’être un jeu magnifique au souffle épique, est une ode à la parentalité. Celle d’un père qui voit son fils grandir, celle d’un jeune garçon qui recherche autant l’approbation de la figure tutélaire qu’un désir d’émancipation. Et c’est là toute la quête personnelle du jeu conçu par Santa Monica Studio. “Toute cette histoire parle de la relation parent-enfant”, explique à Tech&Co Eric Williams, le game director de God of War Ragnarök. “Dans God of War (2018), c’est Atreus qui regardait les adultes et les écoutait lui expliquer comment tournait le monde. Quand on est enfant, on a des questions, mais on n’insiste pas trop, car on ne peut pas encore se forger sa propre opinion faute d’une expérience de la vie à cet âge”.
Mais le jeune garçon est devenu adolescent et son père doit s’y faire. “Nous avons toujours pensé le jeu comme une duologie entre la version de 2018 et Ragnarök”, souligne Eric Williams. “Cette fois, on voit Atreus commencer à écouter ce qu’on lui dit, mais à émettre des avis contraires aussi. C’est une période difficile pour tout parent quand cela arrive. Vous réalisez que vous n’avez pas toutes les réponses et vous entrez dans une période où tout n’est plus noir ou blanc. C’était essentiel pour nous qu’Atreus puisse avoir une vision du monde plus large et comprendre ce qu’il se passe.”
De l’art d’être père et fils
Dans le nouveau jeu, le bambin s’octroie quelques libertés qui donnent un coup de frais à la saga. Si Kratos reste cet imperturbable géant musclé, ne se remettant pas de la mort de sa femme et lancé dans sa quête de vengeance, Atreus est son pendant plus à fleur de peau, désireux de rendre le monde meilleur, de découvrir par lui-même, “faisant le mur” pour ce qu’il juge être de nobles causes (retrouver le dieu nordique de la guerre Tyr, discuter avec la rivale Freya qui veut pourtant tuer son père, partir au combat). Le tout sans jamais sembler vouloir tenir tête à Kratos. “Ils ont un lien fort qui s’est tissé à la fin du jeu précédent”, souligne Eric Williams. “Ils sont cette machine parfaitement huilée qui fonctionne à merveille et ils se soutiennent mutuellement. Que se passerait-il si on les séparait? Seraient-ils meilleurs et plus forts? Sans doute pas.”
Alors les liens du sang reprennent le dessus. Tout au long de leur aventure nordique, où l’on passe de la forêt à la mer, de la neige au désert, avec les yeux éblouis par la magistrale mise en lumière du jeu, ils restent soudés, malgré quelques éclats de voix ou rappels à l’ordre. “C’est ce qui se passe dans la vraie vie”, rappelle le créatif de Santa Monica Studio. “Si vous tenez trop fort votre enfant, il vous fuira. Si vous n’êtes pas assez ferme, il ira dans la direction opposée et vous n’en serez pas ravi. C’est cet équilibre qu’il faut trouver, dans le jeu aussi.”
Si Kratos continue de jouer des lames et de la hache pour progresser dans son histoire -et ceux qui ont connu les jeux précédents retrouveront rapidement leurs réflexes-, on découvre aussi le plaisir de jouer avec Atreus, en solo ou en soutien de son père. La partie narration permet ainsi de le voir évoluer, apprendre de ses propres erreurs et tracer son chemin. Mais il est aussi d’une grande aide dans certains combats ou puzzles, mais aussi pour résoudre de nombreuses énigmes via ses atouts propres. Une complémentarité et un lien qui prennent forme jusque dans la jouabilité manette en main.
“C’est là que notre histoire parle aux joueurs, enfants comme parents, parce qu’elle a cette connexion ancrée”, ajoute-t-il. “Chacun va se reconnaître dans la réflexion du jeu: ‘est-ce que j’écoute les adultes, jusqu’à quel point?’, ‘Est-ce que je lui laisse assez de liberté?’, ‘Finalement, j’étais pareil avec mes parents’…”
Derrière ses allures de jeu d’action-aventure un peu brutal, God of War Ragnarök est un tour de force émotionnel par la relation qu’entretiennent ces deux-là. Atreus se cherche ainsi une figure paternelle, avec ce père qu’il admire tout d’abord, mais qui est trop protecteur, puis avec Tyr qu’il voit comme un héros et un modèle potentiel avant même de l’avoir rencontré. Progressivement, Kratos va lui accorder sa confiance et lâcher du lest pour le laisser grandir, mûrir. Devenir lui aussi plus humain et sensible dans son nouveau rôle.
Une expérience de vie de la réalité au jeu
Et ces changements, ce sont un peu ceux que les équipes de Santa Monica Studio ont vécus au fil d’une épopée démarrée en 2005. Pourtant, l’idée de faire du héros emblématique de la baston vidéoludique un père n’avait pas soulevé un fol enthousiasme initialement. “L’équipe a vieilli aussi. Nous n’étions plus un groupe de jeunes adultes insouciants comme pour les premiers jeux”, se rappelle Eric Williams. “Désormais, nous avons des familles, des enfants. Soudainement, chacun s’est dit: ‘Eh, il m’est arrivé ça avec mon enfant, ce serait marrant dans le jeu’, ‘J’ai vécu ça en tant que parent’.” Et de raconter une anecdote qui se retrouve dans Ragnarök: “Une des personnes a expliqué avoir amené son enfant faire du canoë et celui-ci est tombé à l’eau. Il était fou de rage et frustré. On s’est dit qu’il fallait l’ajouter dans le jeu.”
Il en résulte un jeu riche d’expériences pour porter une histoire particulièrement bien écrite, même si elle rend le jeu parfois un peu linéaire. Pour appuyer son idée, Santa Monica Studio est resté fidèle à son long plan séquence qui permet de suivre au plus près les héros à travers les neuf mondes. Comme pour être témoin de ce qu’ils vivent. Comme dans un film, les personnages secondaires, issus de la mythologie scandinave, ont un véritable rôle dans l’histoire et sont autant d’étapes charnière sur le parcours de vie d’Atreus et, par rebond, de son père.
“Nous voulions que vous soyez un observateur de leur aventure, comme des documentaristes capables de percevoir des choses de l’ordre de l’intime entre un père et son fils”, résume Eric Williams. Avoir un regard à la fois extérieur et partie prenante, comme reflet de sa propre évolution d’enfant à parent que le jeu vidéo permet de faire vivre intensément, avec la même introspection que les héros.