Les spécialistes de l’Antiquité avaient fini par en douter. Mais Hipparque fut bien, au IIe siècle avant J.-C., l’auteur d’un catalogue recensant les positions des étoiles visibles depuis l’hémisphère Nord. Une équipe franco-britannique vient d’en apporter une preuve tangible en décryptant un texte d’astronomie en langue grecque, dissimulé sous les écrits d’un parchemin médiéval.
Victor Gysembergh, Emanuel Zingg et Peter J. Williams, respectivement chercheurs au CNRS, à Sorbonne Université et à la Tyndale House de Cambridge, affirment dans le Journal for the History of Astronomy que cette description de la constellation de la Couronne boréale s’appuie sur des observations datant de l’époque du savant. Un indice qui, mis en relation avec d’autres, attesterait, selon eux, de la réalité de cette première tentative d’inventaire rigoureux des astres…
L’affaire est d’importance. Hipparque de Bithynie (en Turquie aujourd’hui) ne compte-t-il pas parmi les plus grands astronomes de l’Antiquité méditerranéenne ? « Alors que ses prédécesseurs se contentaient de dépeindre les constellations ou de compter les astres inclus dans ces dernières, il fut le premier parmi les Grecs à donner des positions angulaires précises d’un grand nombre d’étoiles sur la sphère du ciel, en recourant à un système de coordonnées orthogonales, explique l’historien des sciences James Evans, de l’université de Puget Sound (Californie). Cela a contribué à transformer la science purement descriptive et empirique qu’était l’astronomie en une discipline prédictive fondée sur le calcul. »
Inspirateur de Ptolémée
D’autres avancées lui sont attribuées. Notamment la découverte de la précession des équinoxes. Cette modification, d’une année sur l’autre, de la place occupée dans le Zodiaque par le Soleil, au moment de l’équinoxe de printemps, est provoquée par des variations de la direction de l’axe de rotation de la Terre. Elle s’accompagne d’un mouvement apparent de la voûte céleste dont les étoiles se décalent peu à peu, à raison d’1 degré en longitude par 71,58 années et selon un cycle de… 25 769,42 ans. L’astronome aurait identifié et approximativement mesuré le phénomène.
« Enfin et surtout, Hipparque est connu pour avoir inspiré, environ 250 ans plus tard, le savant égyptien Claude Ptolémée qui cite ses travaux et son catalogue dans son Almageste », raconte Anne Tihon, professeure émérite à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve (Belgique), qui a récemment exhumé d’un palimpseste conservé au Vatican, l’une des tables astronomiques dites « faciles » conçues par Ptolémée : « Rédigé au IIe siècle après J.-C., ce traité synthétisant l’ensemble des connaissances accumulées par les Babyloniens, les Grecs et les Egyptiens, fournissant des tables et un inventaire des positions de 1 022 étoiles, deviendra l’ouvrage de référence de l’astronomie occidentale lorsqu’il sera redécouvert au Moyen Age à travers des traductions en langues latine et arabe. Et cela pour des siècles et jusqu’à la formulation de la théorie de l’héliocentrisme par Copernic et l’invention de la lunette de Galilée ». C’est-à-dire à la fin de la Renaissance.
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