L’interprétation de l’art des cavernes est une obsession depuis le XIXe siècle. Elle est aussi celle de l’anthropologue, mythologue et préhistorien Jean-Loïc Le Quellec qui, contrairement aux chercheurs des siècles passés, dispose des technologies numériques pour étudier les premiers mythes de l’humanité.
Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont un Dictionnaire critique de mythologie (avec Bernard Sergent, CNRS Editions, 2017) et Avant nous le déluge ! L’humanité et ses mythes (Retour, 2021), ce directeur de recherche émérite au CNRS est en particulier spécialiste de l’art rupestre du Sahara. C’est depuis un point de départ mythologique que ce membre de l’Institut des mondes africains interprète l’art pariétal. Son dernier livre, La caverne originelle, Art, mythes et premières humanités (La Découverte, 888 pages, 35 euros) se présente comme une somme récapitulant toute la littérature écrite sur le sujet. Il tente de la dépasser avec une thèse nouvelle.
Quelle énigme avez-vous cherché à élucider dans cet ouvrage massif, qui marque l’aboutissement de vos recherches sur la mythologie et l’art pariétal ?
Une interrogation sur la nature de la mythologie qui aurait pu motiver l’art des cavernes me trottait dans la tête depuis le Dictionnaire critique de mythologie. Cet art constitue une branche fascinante de l’art préhistorique, qui comprend aussi l’art rupestre de plein air (effectué sur des rochers) et l’art mobilier (sur des supports qu’on peut déplacer, comme les statuettes).
L’art dit « pariétal », pratiqué sur les parois des grottes, répond d’abord à des enjeux beaucoup plus énigmatiques, puisque sa pratique implique des périls et des difficultés immenses : il faut s’enfoncer profondément dans des cavités en se courbant et en rampant, au risque de glisser dans des gouffres, puis dessiner en étant très peu éclairé. Une question me taraudait : pourquoi donc aller s’embêter à dessiner dans une grotte quand on peut le faire ailleurs ?
Qu’est-ce que ces artistes du paléolithique ont représenté ?
Au total, on recense environ 20 000 images dans les grottes. L’art pariétal se compose de deux catégories : une moitié de ces dessins dont la signification nous échappe (comme des traits et des points) sont qualifiés de « signes » ; une autre moitié se compose d’images identifiables. Parmi ces dernières, l’immense majorité représente des animaux, qui sont le plus souvent des bovidés et des chevaux. Pour le reste, il existe aussi des dessins touchant aux représentations humaines, comme des mains et des vulves. Des pans entiers du réel sont en revanche absents, en particulier les végétaux et les paysages.
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