Aucun cinéphile n’a oublié 120 battements par minute, le magnifique film de Robin Campillo, sorti en 2017, sur le combat de l’association Act Up contre la pandémie de sida. Le réalisateur a expliqué avoir choisi ce titre énigmatique en référence au rythme de la house music, particulièrement en vogue dans les années 1980 dans la communuauté gay. Un scientifique aurait pu préciser que les concepteurs de la house n’avaient sans doute pas choisi ce tempo par hasard : c’est celui qui permet au corps et au cerveau humains de synchroniser idéalement les mouvements à la source musicale.
Dans un article publié jeudi 10 novembre dans la revue Science Advances, une équipe de l’université de Tokyo a montré qu’il en allait de même pour le rat. En accrochant au cou des rongeurs de petits accéléromètres et en les équipant de microélectrodes, ils ont pu observer tout à la fois les mouvements de tête et l’activité des neurones dans le cortex de l’audition au cours d’une session d’écoute musicale. Avec une conclusion sans appel : non seulement ces charmantes bestioles s’adaptent à la musique extérieure, mais elles le font de façon idéale dans la fourchette de 120 à 140 battements par minute (BPM).
Pour s’en assurer, les chercheurs ont présenté aux mélomanes du jour quatre versions de la Sonate pour deux pianos, de Mozart, à des tempos différents : 132 BPM, la cadence d’origine, mais aussi 99 (75 %), 264 (200 %) et 528 BPM (400 %). Le choix de l’œuvre ne tient ni à l’amour du compositeur pour les rongeurs, ni à celui d’Hirokazu Takahashi, le professeur d’électrophysiologie coordinateur de l’étude, pour le génie viennois. Simplement, en 1991, le chercheur français Alfred Tomatis a affirmé, expériences à l’appui, que l’écoute de cette œuvre dopait, au moins provisoirement, les performances intellectuelles de ses auditeurs. La controverse sur « l’effet Mozart » court toujours. Mais la Sonate K488 est devenue une sorte d’étalon expérimental en la matière, qui ici a livré un verdict sans appel : « Tant dans leurs mouvements que dans l’activité cérébrale, les rats se synchronisent idéalement avec la version originale », résume le chercheur japonais.
Un tempo aux racines évolutives profondes
Les rats ne sont pas seuls sur ce dance floor. La Toile pullule de vidéos montrant des perroquets se trémoussant en musique. Des expériences ont montré des capacités similaires inattendues chez les lions de mer. Quelques autres espèces de volatiles et de mammifères tapent à la porte du club. Pourquoi pas le rat, donc.
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