Depuis une semaine déjà et pendant une semaine encore, les représentants des pays du monde sont réunis à Charm el Cheikh (Égypte) pour la COP27, la 27e Conférence des parties signataires de la Convention-Cadre de l’Organisation des Nations unies sur les changements climatiques. L’occasion de confirmer une fois de plus qu’il n’est pas toujours facile de se comprendre. Et pour nous, pas toujours facile de suivre des débats truffés de mots et d’expressions plus ou moins nouveaux ou dont on ignore le sens exact.
Tenez, par exemple, une expression aussi souvent utilisée que « réchauffement climatique ». Elle parle d’elle-même. Et s’emploie pour désigner l’époque que nous vivons dans laquelle les températures grimpent. Les anglophones parlent, eux, de « global warming », comprenez de « réchauffement global », parce que la situation concerne le monde entier. Mais beaucoup de scientifiques préfèrent employer l’expression « changement climatique ». Selon eux, elle reflète mieux la réalité que nous vivons, celle de températures qui augmentent en moyenne, mais peuvent se montrer bien plus basses dans certaines régions et à certaines époques de l’année. Mais aussi, par exemple, celle de régimes de précipitation qui changent, avec, là encore, selon les régions et les périodes de l’année, plus de sécheresses ou plus de pluies diluviennes. Dernière possibilité, parler de « dérèglement climatique ». Une façon, peut-être, d’y intégrer l’idée de responsabilité humaine.
Le saviez-vous ?
L’expression que l’on entend de plus en plus souvent, celle de « warming stripes » ou « climate stripes », ou en français, de « bandes (ou rayures) du réchauffement climatique » ou même de « code barre du réchauffement », désigne une représentation graphique de l’évolution des températures sur laquelle les bandes bleues montrent les années à températures inférieures aux normales et les bandes rouges, les années à températures supérieures aux normales. Une façon de visualiser la tendance sur le long terme.
Parce que oui, selon le dernier rapport du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la responsabilité humaine dans la situation de changement climatique que nous vivons est désormais « sans équivoque ». En cause, nos émissions de « gaz à effet de serre » (GES). En effet, les perturbations observées sur notre climat sont la conséquence d’une accumulation dans l’atmosphère de la Terre d’un certain nombre de gaz — les fameux GES — comme le dioxyde de carbone (CO2) ou le méthane (CH4) qui retiennent près de la surface, une partie de la chaleur que la Planète reçoit du Soleil et que, sans eux, elle renverrait vers l’espace.
Une question de carbone
C’est notre soif d’« énergies fossiles » qui pose notamment problème. Ces énergies-là — le gaz, le pétrole et le charbon notamment —, en effet, sont issues de la décomposition d’organismes vivants — surtout de plantes — pendant des centaines de millions d’années. Elles sont riches en carbone. Ce n’est pas le cas des « énergies renouvelables » — ni de l’énergie nucléaire — appelées ainsi parce qu’elles comptent sur une ressource illimitée comme la lumière du soleil ou le vent. Dans le contexte de changement climatique anthropique, elles ont surtout un impact bien moindre sur nos émissions de gaz à effet de serre. D’où l’idée d’opérer une « transition énergétique ». De passer d’une consommation massive d’énergies fossiles à une consommation — plus raisonnée, si possible, mais nous y reviendrons — d’énergies renouvelables.
De là est aussi née toute une série de termes pas toujours faciles à cerner. Par exemple, celui d’« empreinte carbone » qui informe sur les émissions d’un individu, d’un pays, d’une entreprise ou d’un appareil. Ou celui de « décarbonation ». Il est né du fait que réduire nos émissions de gaz à effet de serre revient essentiellement à réduire nos émissions de carbone, un élément présent dans les principaux GES. Réduire nos émissions de carbone et donc « décarboner » nos économies.
Et puisque nous parlons d’émissions de carbone, peut-être est-ce le moment d’évoquer cette étonnante expression de « budget carbone ». Ce que les experts du climat appellent le budget carbone, c’est tout simplement la quantité de carbone que nous pouvons encore nous permettre d’émettre pour rester sous une température moyenne donnée. Selon le rapport du Giec, début 2020, notre budget carbone pour 50 % de chances de maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5 °C était de l’ordre de 500 gigatonnes de CO2. Mais il reste difficile à estimer précisément tant les paramètres à prendre en compte sont nombreux.
Atténuer et s’adapter
Ce sur quoi les scientifiques s’entendent, c’est qu’il nous faut désormais « atténuer » le changement climatique. Et pour ce faire, atteindre le « zéro émission nette » le plus rapidement possible. Mais que cela signifie-t-il réellement ? Que nous devons réduire nos émissions au maximum. Et que le reste devra être absorbé naturellement par les océans ou par les forêts. Ceux que les chercheurs appellent « les puits de carbone » — les sols en sont aussi – parce qu’ils captent le carbone de notre atmosphère et le stockent ou le « séquestrent ». Pour le reste, nous devrions aussi pouvoir compter sur des technologies dites, justement, de « captage, stockage et valorisation du CO2 ». Ces technologies sont destinées à nous aider à capter le CO2 à la source — dans les fumées d’usines, par exemple — ou même directement dans l’atmosphère — elles ne sont pas encore au point — puis à le stocker en sous-sol — les experts parlent de CCS pour carbon capture and storage — ou à le valoriser — les experts parlent de CCU pour carbon capture and use.
Le dernier rapport du Giec a aussi mis en lumière la nécessité de mettre en œuvre des mesures d’« adaptation ». Des stratégies destinées à limiter la vulnérabilité des écosystèmes et de nos sociétés face aux effets du changement climatique. À la multiplication et à l’intensification des vagues de chaleur ou des épisodes de sécheresse, par exemple. Ou encore à la montée du niveau de la mer.
La COP27 a, quant à elle, mis sur le devant de la scène — même si les négociations restent tendues — une expression qui était jusqu’alors restée plus confidentielle, celle des « pertes et préjudices ». Elle désigne les dommages causés par le changement climatique anthropique. Par les catastrophes climatiques ou la fonte des glaces. Que ce soit sur les écosystèmes ou sur les systèmes humains comme notre agriculture, par exemple. Les discussions sont rudes entre les pays qui s’estiment victimes — parce que faibles émetteurs historiques de CO2 — et les pays considérés comme principaux responsables — parce qu’importants émetteurs de GES — du réchauffement climatique en cours. Notamment concernant l’indemnisation de ces pertes de préjudices.
Une transition qui va au-delà de l’énergie
Et c’est peut-être le bon moment pour revenir sur le concept de transition. Avec l’idée que l’évolution se situe au-delà de notre système énergétique, au-delà de notre économie, pour s’étendre à l’ensemble de notre société. C’est un peu l’idée du « Green deal européen », le « Pacte vert ». Un ensemble de mesures destinées à atteindre le zéro émission nette d’ici 2050 le tout en assurant une croissance économique dissociée de l’utilisation de ressources et en ne laissant personne de côté. Un exemple de développement durable.
Le zéro émission nette, nous en avons déjà parlé. Pour ce qui est de la croissance et de l’utilisation des ressources, quelques termes sont peut-être à expliciter. Le concept de « limites planétaires », d’abord, qui va un peu au-delà de la question de changement climatique. Les limites planétaires définissent un espace de développement sûr et juste, fondé sur neuf processus qui, ensemble, régulent la stabilité de notre Terre comme, en plus du réchauffement climatique, l’utilisation de l’eau ou l’érosion de la biodiversité.
Il y a aussi le concept de « point de basculement » ou de « pont de non-retour » (tipping point). Il s’agit là d’un seuil, qui, une fois franchi, modifie lourdement l’état ou l’évolution d’un système. Par exemple, une fois un certain niveau de température atteint, les scientifiques s’attendent à ce que la fonte des calottes glaciaires devienne inévitable.
Pour revenir au Green new deal et à l’idée d’assurer une certaine croissance économique, notez que cela ne va en rien à l’encontre du concept de « sobriété » très en vogue depuis quelques mois. Rappelons d’abord que sobriété n’est en rien synonyme de « décroissance ». Les scénarios de neutralité carbone envisagés par l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, tablent ainsi tous sur une hausse de l’activité économique. Grâce, par exemple, à la consommation de produits et de services locaux plutôt que de biens importés à fort contenu carbone.
La « sobriété », c’est simplement réduire sa consommation d’énergie en changeant de modes de vie et en transformant nos sociétés. C’est, par exemple, la fin de l’éclairage des vitrines la nuit. La sobriété ne doit pas être confondue non plus avec l’« efficacité énergétique ». Elle est tout aussi nécessaire dans le contexte actuel. Puisqu’elle aide à faire baisser nos consommations d’énergie. Mais elle se rapporte à tous les moyens permettant de rendre une maison ou un appareil électroménager plus économes. À service rendu au moins identique. En remplaçant un ancien système de chauffage par un nouveau, par exemple.
Les vrais maux du climat ?
Nous ne pouvions pas finir ce tour d’horizon sans évoquer deux concepts toujours — ou de plus en plus — tendance. Celui de « greenwashing » et celui de « solastalgie ».
Le « greenwashing », c’est un peu l’« écoblanchiment », la manière dont certaines entreprises notamment communiquent à base d’arguments écologiques trompeurs — une couleur verte sur les emballages, par exemple — avec pour seul objectif d’améliorer leur image. Le terme est apparu dans les années 1990. Le greenwashing participe à la désinformation du public et depuis 2021, la pratique est assez lourdement sanctionnée en France.
Le terme de « solastalgie » — apparu dans les années 2000 —, enfin, a été repris dans le dernier rapport du Giec. Il désigne une forme de détresse et de souffrance psychologique liée à la prise de conscience du changement climatique en cours. Plus généralement, de l’urgence écologique. C’est une sorte d’« éco-anxiété » — un terme né dès les années 1990 — aggravée et ancrée dans le moment présent. Lorsque l’idée que la situation est irréversible s’installe dans les esprits et qu’un fort sentiment de culpabilité et d’impuissance l’accompagne.