Au 18 novembre, au moins 277 médicaments font actuellement l’objet de difficultés d’approvisionnement en France. Entre 2016 et 2021, les signalements de risques de ruptures ou ruptures de stock averées ont été multipliés par 5.
Va-t-on vers une pénurie d’amoxicilline? L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a confirmé ce vendredi que l’antibiotique, principalement utilisé pour traiter les angines et les otites chez les enfants, “fait l’objet de fortes tensions d’approvisionnement en France (surtout les formes buvables), qui pourrait durer jusqu’en mars 2023”.
L’agence précise que l’une des raisons majeures de ces tensions réside dans la forte hausse de la consommation en antibiotiques – même quand leur prescription n’est pas forcément justifiée. À ce phénomène s’ajoute l’apparition de difficultés dans les lignes de production industrielle “qui n’ont pas retrouvé leur capacité de production d’avant la pandémie de Covid-19”.
Ce risque de pénurie s’inscrit dans un contexte plus large, où les autorités ont déjà été contraintes ces derniers mois de resserrer l’usage de certains médicaments. Cas le plus emblématique, le paracétamol, antidouleur omniprésent dans les salles de bain. Les autorités ont recommandé aux pharmaciens de ne pas vendre plus de deux boîtes par patients, malgré les assurances des industriels qu’il n’y aurait pas de rupture.
L’ANSM met à jour de manière quotidienne, une liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) qui affichent des difficultés d’approvisionnement et pour lesquels il n’y a à ce jour aucune ou trop peu d’alternative thérapeutique disponible sur le marché français.
Il s’agit des “médicaments ou classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie”.
La liste complète des traitements concernés est visible dans le tableau ci-dessous.
Les inquiétudes sur les pénuries remontent à bien plus loin que ces derniers mois, même si la situation a pu s’aggraver dans le contexte d’inflation et de flambée des tensions géopolitiques avec la guerre en Ukraine.
“Depuis 2008, les situations de ruptures de stocks et de tensions d’approvisionnement progressent de façon préoccupante en France, mais aussi aux États-Unis et dans d’autres pays du monde”, constatait déjà en 2019 le Leem, lobby français du secteur.
Pendant la pandémie de Covid-19, en 2020, un maximum de 2446 signalements de rupture ou de risque de rupture avaient été effectués auprès de l’ANSM. Un an plus tard, l’agence a reçu 2160 signalements – cinq fois plus qu’en 2016, comme le montre notre graphique ci-dessous.
Cependant, l’ASNM précise que depuis 2019, l’agence demande aux industriels de déclarer le plus en amont possible tous les risques de rupture, dans le but de pouvoir mieux anticiper les mesures de réduction de l’impact de ces ruptures probables.
“Cette politique d’anticipation a pour conséquence une augmentation du nombre de signalements reçus”, indique l’Agence nationale de sécurité du médicament.
Système cardio-vasculaire, système nerveux…
Dans son rapport d’activité pour l’année 2020, l’agence présente le classement des familles thérapeutiques les plus touchées. En première ligne, les médicaments et soins concernant le système cardiovasculaire, qui représentent 26,70% des signalements à l’ANSM.
Suivent les traitements qui se concentrent sur le système nerveux (25,55%), puis les anti-infectieux à usage systémique (11,90%), comme l’illustre notre graphique ci-dessous.
En ce qui concerne l’amoxicilline, les autorités ont donc pris une série de mesures d’urgence, dont un rationnement qui limite la quantité que peut commander chaque pharmacie. Elles ont aussi appelé les médecins et les patients à n’utiliser ces antibiotiques que si nécessaire: ils n’ont par exemple aucun intérêt contre la bronchiolite, en pleine épidémie de celle-ci.
Mais ces mesures annoncées vendredi ne convainquent pas tous les observateurs. De tels discours “ne s’attaquent pas aux causes structurelles”, a estimé dans un communiqué l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, une organisation marquée à gauche.
Elle regrette un manque de réactivité des autorités face à une situation “prévisible” appelle à une relocalisation massive de la production de médicaments en France, estimant que l’éclatement de celle-ci en plusieurs pays contribue aux problèmes d’approvisionnement.
Pour l’amoxicilline, tout en demandant aux laboratoires de booster leur capacité de production, l’Agence du médicament a également indiqué que des investigations étaient “en cours pour identifier des pistes d’importation de ces antibiotiques depuis l’étranger”.