En témoigne le match de football opposant streamers français et espagnols, la rivalité en ligne entre les deux pays frontaliers est grandissante. Une bataille bon enfant mais que personne ne prend à la légère.
Pour certains, l’annonce d’un France-Espagne évoque le football, le basket ou le handball. Pour d’autres il est désormais synonyme de combat sur Internet. De l’e-sport aux réseaux sociaux et désormais en réel, les internautes français et espagnols se livrent une bataille sans merci.
Une rivalité qui dure depuis maintenant plusieurs années mais qui s’est accentuée il y a quelques mois, portée par des chefs de file bien décidés à remporter le match de “Qui sera le pays maître d’Internet?”
L’e-sport, élément déclencheur
Que ce soit en matchs amicaux ou en compétitions internationales, la France et l’Espagne s’affrontent en e-sport depuis de nombreuses années, notamment sur League of Legends, jeu le plus suivi sur Internet. Les sportifs se défient toutefois via des clubs et non en nations. Il n’existe ni équipe nationale française de League of Legends ni équipe espagnole.
Mais ces clubs, comme la Vitality Bee ou la Karmine Corp sont néanmoins rassemblés dans la Ligue Française League of Legends (LFL). Créée en 2019, la ligue compte aujourd’hui 10 équipes professionnelles. Du côté de l’Espagne, la Super Liga est quant à elle beaucoup plus établie, avec un championnat créé en 2012 et 12 équipes qui s’affrontent chaque saison.
Ces deux ligues, que l’on pourrait comparer à la Ligue 1 et la Liga version e-sport, sont aujourd’hui extrêmement médiatisées et les plus convoitées par les joueurs. Une rivalité s’est donc peu à peu créée, aidée aussi par la proximité géographique des deux pays.
Des streamers sont aussi devenus au fur et à mesure de véritables représentants de chaque nation. Du côté français, on retrouve notamment Kameto, co-fondateur de la Karmine Corp. Côté espagnol, c’est Ibai Llanos, suivi par près de 12 millions de personnes sur Twitch, qui fait office de patron de l’internet espagnol.
La Pixel War, bataille 2.0 à l’ampleur exceptionnelle
La rivalité a pris une autre dimension au printemps dernier. Des pixels qui changent sans cesse de couleur, des streamers au bord de la crise de nerfs et au final une œuvre numérique démesurée: la Pixel War, ou guerre des pixels, avait fait fureur le 1er avril 2022. Les internautes du monde entier s’étaient réunis sur Reddit pour créer une fresque collaborative en pixel art.
Le but, colorer les pixels d’une gigantesque toile virtuelle, quitte à empieter sur les autres. Avec une règle stricte – on pouvait colorer un unique pixel toutes les cinq minutes – c’est uniquement par des actions collectives et coordonées que des véritables images pouvaient apparaître.
Et au cœur du chaos et des heures acharnées à tenter de grappiller son petit bout d’espace virtuel, deux pays se sont une nouvelle fois affrontés sans préméditation: la France et l’Espagne. Les streamers français s’étaient fortement mobilisés pour essayer de récupérer le plus de territoire pixellisé possible. On pouvait ainsi découvrir l’Arc de Triomphe, des croissants, le Louvre, Thomas Pesquet mais aussi Zinedine Zidane sur cette fresque, avant que les Espagnols ne décident de contre-attaquer.
Les streamers ibériques pensaient en effet que les Français utilisaient des robots ou des codes de triche pour accélérer la modélisation de certains graphismes. Des tentatives de négociations ont même été organisées par Twitch interposés, menées par Kameto et Ibai. A force de stratégies et d’alliance, les autres pays participants à la fresque ont même dû choisir leur camp.
Les streamers espagnols n’avaient au final qu’une obsession: détruire les constructions françaises, jugeant qu’elles prenaient trop de place sur l’œuvre. La bataille des pixels s’est ainsi transformée en bataille d’égos, opposant des vidéastes espagnols massivement suivis comme Rubius (20 millions d’abonnés sur Twitter) aux stars françaises ayant bien moins d’abonnés (662.000 à l’époque pour Kameto). Résultat: victoire écrasante des Français.
Le match retour en physique
La prochaine Pixel War ne devrait avoir lieu que dans cinq ans. Mais les Français et Espagnols n’ont pas décidé d’enterrer la hache de guerre en attendant l’échéance. Et c’est sur un terrain de foot qu’aura lieu le match retour entre le web français et espagnol. Il ne sera toutefois pas question de s’affronter sur le jeu FIFA mais bien en vrai, au stade Jean Bouin à Paris, le 19 novembre prochain.
L’évènement, baptisé “Eleven All Stars”, rassemblera 21 joueurs côtés français, dont Michou, Carlito ou Inoxtag. L’équipe sera notamment coachée par Kameto. Et l’équipe hispanique sera coachée par Ibai. Il ne pouvait en être autrement…
Et au-delà de la sphère Twitch, ce seront 19.000 personnes qui seront présentes dans les gradins du stade pour supporter les créateurs de contenus tricolores. De quoi imaginer une ferveur semblable que celle créée par Squeezie il y a quelques semaines pour son GP Explorer au Mans.
Le record de vues sur une chaîne Twitch francophone pourrait d’ailleurs bien être battu, tant la rivalité entre France et Espagne est devenue l’un des running gags les plus fédérateurs d’Internet.