« Je respire mieux, je sens à nouveau l’odeur du café le matin, je revis presque normalement. » Pour Karine (elle souhaite rester anonyme), 50 ans, la vie vient de reprendre après une intervention chirurgicale unique. Plus de dix ans après avoir été traitée pour un cancer des fosses nasales (carcinome épidermoïde) par radiothérapie et chimiothérapie, cette habitante du Tarn est la première patiente au monde à avoir bénéficié d’un greffon nasal fabriqué en biomatériau synthétique et réalisé sur une imprimante 3D.
La prouesse a été réalisée par les équipes de chirurgie ORL et cervico-faciale du CHU de Toulouse et de l’Institut Claudius-Regaud, au sein de l’Oncopole de Toulouse. A leur tête, la professeure Agnès Dupret-Bories et le docteur Benjamin Vairel traitent tous les cancers de la bouche, de la langue ou de la peau du visage.
Dans ce cas précis, la patiente avait perdu, à la suite de traitements lourds en 2013, une large partie de son nez ainsi que la partie antérieure de son palais. Pendant plus de quatre ans, elle a vécu sans nez, confrontée à des échecs de reconstruction nasale par greffe de lambeaux de peau et à une difficulté à supporter le port d’une prothèse faciale (épithèse).
En 2020, Agnès Dupret-Bories, chercheuse CNRS au Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (Cirimat), qui étudie les biomatériaux, entre en contact avec un jeune thésard étudiant en Belgique, Islam Bouabaz-Abdeljalil. Avec la société Cerhum, basée à Liège, il a déjà testé des implants synthétiques sur les pommettes d’un patient.
L’opération peut-elle réussir sur l’ensemble d’un nez ? Comment revasculariser le nez implanté ? Avec quels matériaux et dans quelles conditions esthétiques ? C’est à ces questions que se heurte l’équipe. Mais, avec l’accord total de la patiente, la décision de tenter l’opération est prise fin 2021.
Greffon d’un nouveau type
« Le premier défi consistait à fabriquer un greffon d’un nouveau type, médicalement et technologiquement », souligne Agnès Dupret-Bories. Cerhum intervenait déjà sur de la reconstruction osseuse faciale, à partir de pièces uniques. « Nos pièces sont fabriquées avec des imprimantes 3D et la technique dite de stéréographie, la plus précise, permettant d’intégrer des porosités, des canaux pour les vaisseaux sanguins », précise Valentin Henriet, ingénieur clinique à Cerhum.
Fabriquée avec de l’hydroxyapatite, une espèce minérale composante de l’émail dentaire et des os, la pièce se présente comme un échafaudage complexe. Il faut en effet que, dans ce « labyrinthe creux, les cellules et les tissus puissent coloniser », détaille Valentin Henriet. Que la greffe prenne entre la cloison nasale et le greffon. « Pour sa forme et sa taille, nous avons travaillé sur les données chirurgicales de la patiente, que nous suivons depuis longtemps », précise le docteur Vairel.
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