Quelque milliers de soignants sont suspendus depuis plusieurs mois en raison d’un refus de se faire vacciner contre le Covid-19. Leur réintégration, ou non, doit être décidée dans les prochaines semaines.
1050 infirmiers sont actuellement suspendus de leurs fonctions en raison de leur refus de se faire vacciner contre le Covid-19, sur 650.000 infirmiers en tout en France, selon des données de l’Ordre national des infirmiers. La Fédération hospitalière de France (FHF) chiffre dans son secteur le nombre de soignants suspendus à 4000 “sur un total de 1,2 million d’agents”.
Mais la crise de personnel actuelle dans les hôpitaux pose la question de leur réintégration, alors que plusieurs services tirent la sonnette d’alarme sur le manque de soignants.
“C’est une mise à l’écart des professionnels de santé à une période où on a besoin d’eux”, souligne auprès de BFMTV Philippe Rudyard Bessis, avocat de plusieurs soignants suspendus. “S’il y a des personnes qui ne veulent pas se faire vacciner, elles ne se font pas vacciner.”
Quarante députés Les Républicains ont ainsi appelé début novembre à la réintégration de ces soignants. “Cette suspension n’a plus aucun sens et participe à la crise de nos hôpitaux”, écrivait alors le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti.
“Il y a un problème d’éthique”
Cette mise à l’écart concerne “très peu de médecins”, et une part minime des infirmiers, a tenu à rappeler le ministre de la Santé François Braun dimanche au Grand jury RTL-LCI-Le Figaro. Il a estimé que leur réintégration aurait peu d’incidence sur la problématique actuelle de la pénurie de soignants.
Pour lui, deux points s’opposent à cette réintégration. D’une part, “accepte-t-on que des gens qui ne sont pas suffisamment protégés soient à proximité des gens les plus fragiles?”, s’est-il interrogé, rappelant qu'”on meurt encore du Covid en France tous les jours”.
Et par ailleurs, “il y a un problème d’éthique”, a-t-il ajouté, notamment par rapport aux soignants qui ont joué le jeu au plus fort de la crise Covid et qui ont “tenu la ligne”.
“Cela concerne un petit millier d’infirmières sur les 700.000 qui sont en exercice. Se vacciner pour protéger ces patients fragiles, c’est un impératif moral et déontologique”, abondait lundi sur FranceInfo Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers, ajoutant qu’un “soignant hostile à la vaccination, c’est pour nous une erreur de casting. Il vaut mieux qu’ils se reconvertissent dans d’autres métiers”.
“Licenciez-nous! Laissez-nous la possibilité de prétendre au chômage”
Les soignants suspendus sont, eux, dans l’attente d’une décision les concernant, car ils sont pour le moment dans une situation instable: ils ne touchent plus de salaire mais ne sont pas officiellement licenciés, et ne peuvent donc pas prétendre au chômage. En novembre 2021, Rue89 pointait déjà du doigt une “errance administrative” pour ces professionnels, obligés de présenter un schéma vaccinal complet pour travailler depuis l’automne dernier.
“À défaut d’avoir été vaccinés dans les temps, les salariés ou agents publics peuvent être suspendus, sans rémunération”, écrit en effet le site officiel service public, ajoutant plus loin qu’un “licenciement en cas de défaut de vaccination au Covid n’est pas possible.”
“S’ils ne veulent pas nous réintégrer d’accord, mais pourquoi jouer ce jeu-là? Licenciez-nous! Laissez-nous avoir la possibilité de pouvoir prétendre au chômage”, déplore sur BFMTV une infirmière qui explique devoir travailler de façon non déclarée “jusqu’à ce qu’il y ait une décision qui soit prise”.
Le ministre de la Santé a expliqué avoir saisi la Haute Autorité de Santé (HAS) et le Comité consultatif national d’éthique pour prendre une décision sur la réintégration, ou non, de ces soignants. “Je prendrai ma décision une fois que j’aurai ces deux avis”, soit en début d’année, a-t-il déclaré. Dans un avis du 22 juillet 2022, la HAS s’était prononcée pour le maintien de l’obligation vaccinale des soignants.