La raie à 21 centimètres. Quelle expression étrange ! C’est pourtant bien cette raie, à la fin des années 1950, qui a permis à l’astronomeastronome néerlandais Jan Oort, de faire la preuve de la structure en spirale de notre Voie lactée. Aujourd’hui, c’est encore cette raie, ou plutôt sa non-détection, qui permet à des chercheurs de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) d’en apprendre un peu plus sur cette période que les astrophysiciensastrophysiciens appellent l’AubeAube cosmique. Cette période de l’UniversUnivers primordiale durant laquelle les premières étoilesétoiles et les premières galaxiesgalaxies ont commencé à voir le jour.
Avant d’aller plus loin, précisons que l’expression « raie à 21 centimètres » désigne, pour les chercheurs, une raie spectraleraie spectrale émise par l’atomeatome d’hydrogènehydrogène neutre. À 21 centimètres de longueur d’ondelongueur d’onde. Dans le domaine radioradio, donc. Et si le télescope spatial James-Webb est capable d’imager des galaxies individuelles dans l’Univers primordial, l’étude de la raie à 21 centimètres, elle, est susceptible de renseigner sur des populations entières de galaxies encore plus anciennes.
Un intérêt tout particulier
Grâce à ce signal spécifique des premières étoiles rerayonné par d’épais nuagesnuages d’hydrogène. D’où son intérêt tout particulier. Au moins en attendant que le projet Square Kilometre Array (SKA, Afrique du Sud et Australie) dont les astronomes espèrent qu’il pourra être en mesure — d’ici la fin de cette décennie — de produire des images de notre Univers primordial.
En 2018, l’équipe de l’expérience EdgesEdges avait suggéré une possible détection, à travers le brouillardbrouillard de l’Univers primitif, de la lumièrelumière des premières étoiles. Mais le signal semblait trop puissant. Des données du radiotélescoperadiotélescope indien Saras3 ont remis en cause cette détection. Ce sont ces données que les chercheurs de l’université de Cambridge ont analysées dans le détail. Des données qui remontent à seulement 200 millions d’années après le Big BangBig Bang. Ils ont testé plusieurs scénarios astrophysiquesastrophysiques qui pourraient expliquer le résultat de l’expérience Edges. À aucun moment, ils n’ont décelé la fameuse raie à 21 centimètres.
Des limites aux propriétés des premières étoiles
Mais tout ce travail n’a pas été vain. Les astrophysiciens expliquent en effet que le fait de ne pas avoir trouvé le signal d’une certaine amplitude qu’ils cherchaient grâce à leurs techniques de modélisationmodélisation statistiques livre des informations presque tout aussi intéressantes. De quoi, selon eux, poser des limites aux propriétés physiques des premières étoiles et des premières galaxies.
Cette analyse donne ainsi des indications sur les massesmasses des premières galaxies et sur leur luminositéluminosité. Elle renseigne aussi sur l’efficacité avec laquelle ces galaxies pouvaient former des étoiles. Et sur l’efficacité avec laquelle ces étoiles émettaient dans le domaine des rayons Xrayons X, dans le domaine radio ou encore dans le domaine de l’ultravioletultraviolet. Une première étape, donc, sur la voie de la compréhension de la manière dont notre Univers est passé de l’obscurité et du vide à une région peuplée d’étoiles et de galaxies.
Les astronomes de l’université de Cambridge, donc, excluent désormais les scénarios dans lesquels les premières galaxies étaient à la fois plus de mille fois plus brillantes que les galaxies actuelles dans leur émission radio et de piètres réchauffeurs d’hydrogène gazeux. Leurs données révèlent également quelque chose qui a déjà été suggéré auparavant, à savoir que les premières étoiles et galaxies auraient pu avoir une contribution mesurable au rayonnement de fond apparu à la suite du Big Bang.
Premières étoiles de l’univers : des signaux enfin détectés !
Dans quelques années, le télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb pourra observer les premières étoiles de l’univers. L’exploit vient pourtant d’être réalisé depuis le sol par un modeste radiotélescope, qui a permis une première détection, indirecte, grâce à la raie à 21 cm de l’hydrogène. Avec une surprise à la clé : le signal est anormal et pourrait trahir l’existence des particules de matière noirematière noire.
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 02/03/2018
Environ 380.000 ans après le Big Bang, la température de l’univers observable a chuté du fait de son expansion, et suffisamment pour que les premiers atomes d’hydrogène et d’héliumhélium neutres se forment à partir d’un plasma de noyaux légers et d’électronsélectrons. La nucléosynthèsenucléosynthèse primordiale a bien dû produire quelques noyaux d’oxygèneoxygène, de carbonecarbone et d’azoteazote mais en proportion un million de milliards de fois moindre, donc en quantité négligeable. Ce sont les étoiles qui produiront ultérieurement des noyaux lourds.
Le phénomène s’est accompagné de l’émission du célèbre rayonnement fossile qui nous parvient aujourd’hui de régions situées à plus de 45 milliards d’années-lumièreannées-lumière de nous, du fait de l’expansion du cosmoscosmos observable. Rappelons qu’il est âgé d’environ 13,7 milliards d’années. C’est ce qu’il est convenu d’appeler la « période de la recombinaisonrecombinaison », qui n’a pas été instantanée. Ce curieux terme est un vestige historique remontant au moins aux années 1960, au moment de la découverte de ce rayonnement. Robert Dicke et James Peebles, parmi d’autres pionniers de la cosmologiecosmologie de l’époque, envisageaient notamment que les atomes d’hydrogène et d’hélium initiaux provenaient, peut-être, d’une phase antérieure de contraction de l’univers observable (qui serait donc cyclique), et qui avait dissocié noyaux et électrons à hautes températures, avant que ne s’enclenche une nouvelle phase d’expansion, celle que nous observons.
Les âges sombres et les premières étoiles
Toujours est-il que pendant au moins 100 millions d’années, l’univers observable n’était pas illuminé par des étoiles et donc encore moins par des galaxies alors que la température du rayonnement fossilerayonnement fossile avait, elle, suffisamment chuté pour qu’il ne soit plus visible. Au moment de la recombinaison, le cosmos devait être aussi brillant que la surface du SoleilSoleil puisqu’il était empli d’un plasma presque à la même température. Cette période obscure de l’histoire de l’univers est celle dite des âges sombresâges sombres.
Les étoiles ont finalement commencé à se former en grand nombre. Elles devaient être très massives, probablement de 100 à 1.000 masses solaires, et leur rayonnement ultraviolet intense a commencé à ré-ioniser les atomes, peut-être conjointement avec celui des premiers quasarsquasars. Le début de cette période de réionisationréionisation de la matière ordinaire de l’univers a été parfois appelé la « renaissance cosmique » et cette période elle-même est logiquement appelée la réionisation.
Les cosmologistes voudraient bien préciser les dates de ces phénomènes et bien évidemment les étudier. Mais comment obtenir des informations sur ce qui s’est passé pendant les âges sombres alors qu’il n’existait aucune étoile pour briller et comment observer ces tout premiers astres que l’on appelle des étoiles de populations III ?
Une présentation de la détection des premières étoiles. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © National Science Foundation
L’effet Wouthuysen–Field et le rayonnement fossile
Il existe des stratégies que les chercheurs explorent depuis plus d’une décennie. L’une d’elles repose sur un curieux phénomène appelé effet Wouthuysen–Field, du nom du physicienphysicien hollandais Siegfried Adolf Wouthuysen et de l’astrophysicien états-unien George B. Field. Il utilise la fameuse raie à 21 cm de l’hydrogène qui a permis de cartographier la Voie lactéeVoie lactée. L’hydrogène neutre peut en effet absorber ou émettre des photonsphotons à cette longueur d’onde du fait de niveaux d’énergieénergie particuliers dus aux interactions entre le protonproton et l’électron d’un atome d’hydrogène conduisant les spinsspins de ces particules à être soit parallèles soit antiparallèles. On peut donc se servir de cette raie pour détecter et cartographier la répartition des masses d’hydrogène neutre pendant les âges sombres.
Or, au moment où les premières étoiles se sont allumées, la mécanique quantique prédit que leurs photons ultraviolets vont permettre à l’effet Wouthuysen-Field de se manifester d’une façon telle que les atomes d’hydrogène encore neutres se mettent à absorber les photons du rayonnement fossile se trouvant précisément à la longueur d’onde de 21 cm. Le spectrespectre de ce rayonnement doit donc être entaillé d’un petit creux correspondant à cet effet de dépopulation.
Toutefois, du fait de l’expansion de l’univers, ce creux dans le spectre du rayonnement fossile se trouve décalé à des longueurs d’onde plus basses, dans le domaine des ondes radio. Plus la réionisation s’est produite tôt, plus l’expansion du cosmos observable aura eu le temps d’étirer la longueur d’onde de ces photons radio. En la mesurant précisément, on détecte donc l’allumage des premières étoiles et, surtout, il est possible de dater cet évènement.
Une équipe de chercheurs menée par l’astronome Judd Bowman de l’Arizona State University School of Earth and Space Exploration s’est lancée dans l’aventure il y a plus de 12 ans en construisant un détecteur adapté à la mise en évidence du signal recherché dans le cadre de l’Edges (Experiment to Detect the Global EoR Signature). Elle vient de présenter dans la revue Nature l’observation de la naissance des premières étoiles. Selon ce résultat, cet évènement se serait produit environ 180 millions d’années après le Big Bang.
L’effet Wouthuysen–Field et une preuve de la matière noire
Cette mesure est un tour de force car le signal recherché est noyé dans le bruit de fond radio, dont celui de la Voie lactée. Comme l’explique la vidéo ci-dessus, cela revient à écouter les battements d’ailes d’un colibri au milieu d’un ouraganouragan. Il a d’ailleurs fallu que les chercheurs s’isolent le plus possible des sources radio d’origine humaine et c’est pourquoi Edges s’est déroulée loin de tout en Australie, au MROMRO (Murchison Radio-astronomy Observatory), non loin d’un des sites du fameux radiotélescope Square Kilometre Array.
Il y a peut-être une cerisecerise sur le gâteau, comme l’explique entre autres dans un article déposé sur arXiv l’astrophysicien Rennan Barkana de l’université de Tel Aviv. L’intensité de l’absorptionabsorption des photons du rayonnement fossile par effet Wouthuysen-Field est plus du double de ce à quoi on s’attendait. L’anomalieanomalie (3,8 σ) n’est cependant pas au niveau des 5 sigma requis pour que le résultat soit considéré comme une découverte. La prudence est donc de mise. Mais selon le chercheur, cela indiquerait que les atomes du gaz d’hydrogène à ce moment-là étaient plus froids que ce que l’on pensait. La raison ? Avant la réionisation, l’univers était plus dense et les collisions avec des particules de matière noire (qui constituent un gaz plus froid dans le modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard) étaient plus fréquentes, ce qui aurait refroidi le gaz de matière normale.
Mais cette hypothèse ne fonctionne que sous deux conditions. D’une part, les particules de matière noire doivent interagir un peu avec la matière normale grâce à des forces autres que celle de la gravitégravité. D’autre part, les particules la constituant ne doivent pas être trop lourdes, moins de cinq fois la masse du proton environ, ce qui orienterait vers des modèles de Wimps plus légères que prévu et peut-être vers des modèles de matière noire tiède et pas froide.
Barkana a-t-il raison ? Il est trop tôt pour le dire mais si tel est bien le cas, ce serait la première mise en évidence directe de l’existence de particules de matière noire. Un résultat spectaculaire à porter au crédit de l’astrophysique des particules.
Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 10/03/2017
Grâce à Alma et aussi au VLT, une équipe a pu entrevoir ce qui se passait il y a très longtemps, 600 millions d’années seulement après le Big Bang, au sein d’une très jeune galaxie. Ce qu’ils ont vu les a plutôt surpris.
La connaissance de nos origines figure parmi les grandes motivations des scientifiques et, bien sûr, pour beaucoup d’astronomes, cela passe par la compréhension de la formation des toutes premières générations d’étoiles. Après tout, nous ne serions pas là, et rien de ce qui nous entoure n’existerait, si elles n’étaient pas apparues. Pas de petites étoiles comme le Soleil, pas de planètes, pas de matière complexe, pas de vies… Car pour cela, il faut ces grands chaudrons que sont les étoiles massives et beaucoup d’énergie pour produire les éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium qui, eux, ont été créés lors des premiers instants de l’univers.
Alors, comment cela s’est-il passé exactement ? Grâce au vaste réseau de radiotélescopes Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) installé sur un haut plateau dans le désertdésert de l’Atacama et, toujours au Chili, le VLT (Very Large Telescope), un groupe de chercheurs a pu rassembler de nouveaux indices pour le profilage de ces premiers ancêtres stellaires.
L’objet le plus lointain observé par Alma
Ces informations, ils les ont collectés au sein de la jeune galaxie désignée A2744_YD4. Située à quelque 13,2 milliards d’années-lumière de la Terre, donc seulement 600 millions d’années après le Big Bang, elle est à ce jour l’objet le plus lointain qu’Alma ait jamais observé. C’est un léger flocon de gaz, pâle, qui n’a cependant rien d’anodin, car déjà riche de poussière interstellaire — ce qui n’a pas manqué de surprendre les astronomes. « La détection d’une telle abondance de poussière indique que les premières supernovae avaient déjà pollué cet environnement galactique » commente l’auteur principal de ces recherches, Nicolas Laporte, de l’University College de Londres. Elles succèdent donc à la précédente génération d’étoiles qui, après une duréedurée de vie très courte, ont explosé en supernovæ.
C’est avec le concours du superamassuperamas de galaxies Abell 2744 alias l’amas de Pandore — vraisemblablement une réunion de quatre amas de galaxiesamas de galaxies à environ 3,5 milliards d’années-lumière de la Voie lactée — dont la masse de toutes ses étoiles, gaz, poussières et surtout matière noire a permis d’amplifier par l’effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle, la lueur du bébé galactique situé lui, beaucoup plus loin derrière, à l’arrière-plan, que l’équipe a pu l’épingler et l’étudier.
Dans cette animation, on peut voir les premières étoiles exploser en supernova. Leurs cendres enrichiront la jeune galaxie et permettront la formation de nouvelles étoiles et aussi de planètes. © ESO, M. Kornmesser
Les premières étoiles se seraient formées 200 millions d’années plus tôt
En disséquant sa lumière, ils ont appris notamment que A2744_YD4, dont la population d’étoiles est estimée à deux milliards, concentre l’équivalent de six millions de masses solaires de poussière. De tailles de l’ordre du millionième de centimètre, elles sont principalement constituées de siliciumsilicium, de carbone et d’aluminiumaluminium — des ingrédients primordiaux que l’on retrouve, avec d’autres, dans notre Système solaireSystème solaire. Les chercheurs ont aussi observé (et c’est la détection la plus lointaine pour cet élément) l’émission d’oxygène ionisé.
Beaucoup d’étoiles sont en train de bourgeonner dans cette galaxie épiée en pleine période de réionisation. D’après l’étude à paraître dans The Astrophysical Journal Letters (disponible sur arXiv), elles sont une vingtaine par an à sortir des usines (nuages moléculaires). « Ce taux n’est pas inhabituel pour une galaxie si distante [actuellement dans la Voie lactée, le taux de féconditéfécondité est bien descendu : le rythme actuel est d’une naissance d’étoile par an, NDLR], explique l’un des coauteurs Richard Ellis, de l’ESOESO et l’University College. Il révèle le rythme soutenu de formation de la poussière au sein de A2744_YD4. Le temps requis avoisine les 200 millions d’années seulement – nous observons donc cette galaxie peu après sa formation ». Tout aurait donc commencé 200 millions d’années plus tôt.
Article du CIRS publié le 20/06/2005
Deux étoiles qui étaient considérées comme faisant partie des premières de l’Univers, se seraient en fait formées à partir de l’explosion d’une étoile plus vieille, selon des astrophysiciens de l’Université de Tokyo. Ce résultat permettrait une meilleure connaissance de la nature des premières étoiles.
Un des enjeux les plus importants en astronomie consiste à identifier les premières étoiles de l’Univers, celles qui sont nées d’un gaz primordial d’hydrogène et d’hélium. Ces premières générations d’étoiles devaient, selon ce qui était admis, contenir très peu d’éléments lourds, connus sous le nom collectif de « métauxmétaux ». La découverte par les astronomes, de deux étoiles, l’une en 2002 et l’autre cette année, chez lesquelles le ratio fer/hydrogène est environ cent mille fois moindre que celui du Soleil, a donc suscité l’intérêt.
Maintenant cependant, une équipe dirigée par Ken’ichi Nomoto, de l’université de Tokyo, avance que ces étoiles très pauvres en métaux sont en réalité des étoiles de seconde génération. Leurs teneurs en éléments chimiqueséléments chimiques sont très inhabituelles, incluant un ratio carbone/fer correspondant à dix mille fois celui du Soleil. Selon l’équipe japonaise, les étoiles se sont formées à partir d’un gaz chimiquement contaminé par une étoile de première génération ayant formé un trou noirtrou noir après avoir explosé en supernovasupernova.
La quasi-totalité du ferfer synthétisé lors des premières supernovae a été, selon le modèle, absorbée par les trous noirs qui s’étaient alors formés. Ceci signifie que seule une infime partie du fer a été éjectée dans l’espace interstellaire. Les prédictions ont été testées en comparant les teneurs en éléments chimiques observées chez les deux étoiles avec celles calculées d’après le modèle.
Le résultat obtenu signifie que la nature des premières étoiles pourrait être mieux connue et prédite en termes quantitatifs. « L’étude montre que des étoiles 20 à 130 fois plus grosses que le Soleil, qui ont terminé en supernova et formé des trous noirs, ont joué un rôle important dans l’enrichissement chimique primitif de l’Univers » indique Nomoto.