La quasi-totalité des infirmiers et aides-soignants des urgences de Thionville ont été placés en arrêt maladie, entraînant le déclenchement du plan blanc par le CHR de Metz-Thionville samedi.
“On travaille au service de l’humain dans des conditions inhumaines”, dénonce une infirmière des urgences de l’hôpital Bel-Air de Thionville, en Moselle. Depuis vendredi, la situation est “particulièrement tendue” dans ce service des urgences, selon le CHR de Metz-Thionville.
En effet, selon des sources syndicales, 55 infirmiers et aides-soignants sur 59 ont été placés en arrêt maladie, souvent sur décision des médecins des urgences eux-mêmes.
“Les soignants en avaient besoin, ils sont arrivés à bout et ils ont besoin de penser aussi à eux”, explique lundi sur BFMTV Cyrille Louis, délégué syndical Sud au centre hospitalier.
“Il faut qu’ils se soignent pour pouvoir soigner convenablement les autres”, ajoute-t-il.
Une situation dégradée depuis des semaines
Depuis plusieurs semaines, la situation s’aggravait aux urgences de Thionville, “pour plusieurs raisons conjuguées”, notait samedi le CHR dans un communiqué.
Le CHR mentionne ainsi “la triple épidémie de grippe, bronchiolite et Covid-19 qui engendre des prises en soins aux urgences puis en hospitalisation d’un nombre de personnes nettement plus important que d’habitude à cette période” et “un manque de personnel médical et soignant”.
Il souligne aussi “une offre de prise en charge en ville réduite”, alors qu’un collectif de médecins libéraux avait appelé à la fermeture des cabinets de médecins du 26 décembre au 2 janvier. L’Assurance maladie a estimé entre 5 et 10% la baisse d’activité des généralistes la semaine dernière. Le collectif “Médecins pour demain” a appelé à une prolongation de la grève cette semaine, qui a pour but l’obtention d’une revalorisation de la consultation.
Plus de surveillance aux urgences
Dans ce contexte, les soignants des urgences de Thionville travaillent de manière extrêmement dégradée, dénonce une infirmière sous couvert d’anonymat.
“On ne peut pas donner des repas à des gens qui sont là depuis 80 heures, faire des changes comme on devrait les faire”, raconte-t-elle sur BFMTV.
“Les patients restent de très longues heures sur des brancards. Ces personnes peuvent attendre de 12 heures à 20 heures pour voir un médecin. Et quand ils l’ont vu, il faut trouver un lit dans l’hôpital, ce qui est compliqué aussi”, ajoute-t-elle.
Les infirmières “ne peuvent plus surveiller les diabétiques, les tensions, l’état de conscience, de santé, des gens qui attendent”, dénonce aussi Patricia Schneider, infirmière et représentante du syndicat Sud-Santé au CHR, sur BFMTV ce lundi.
“Elles ont peur de faire des erreurs professionnelles qui peuvent avoir des conséquences dramatiques” et de “retrouver des patients morts quand elles poussent une porte”, raconte Patricia Schneider.
Plan blanc et renforts en personnel
Les soignants “réclament du personnel en plus” pour apporter “un minimum d’humanité” aux patients, explique-t-elle.
Le CHR a donc déclenché samedi le plan blanc, un dispositif d’urgence sanitaire et de crise qui permet d’organiser les moyens de l’hôpital pour répondre à cette situation. Dans ce cadre, le personnel du Samu assure les urgences vitales et le reste des patients est transféré vers d’autres hôpitaux, a détaillé Patricia Schneider sur BFMTV lundi. Le CHR a justifié ce plan blanc par “un contexte d’arrêts maladie massifs de soignants aux Urgences de Bel Air exprimant un épuisement des équipes”.
Contactée par BFMTV, la direction du CHR indique par ailleurs avoir mis en œuvre “de nombreuses actions” durant le week-end du 31 décembre, “permettant de réduire la tension sur les équipes”. Elle cite ainsi “la fin des congés des personnels” qui permet “la réouverture dès aujourd’hui de lits supplémentaires pour les prises en charge post-urgences” et “des renforts de personnels, organisés sur la base du volontariat”.
Le système de santé en crise
Christophe Prudhomme, médecin urgentiste en Seine-Saint-Denis et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, affirme que “ces arrêts de travail liés à l’épuisement du personnel sont la dernière cartouche qu’ont les personnels pour se faire entendre”.
Il estime que la situation à Thionville est représentative de celle de l’hôpital public en général en France. “On a besoin de réanimation urgente pour notre système de santé, il faut arrêter les discours et les promesses”, ajoute celui qui demande “des choix politiques forts”.
“Je comprends mes collègues médecins de ville qui aujourd’hui sont au bout du rouleau, comme nous à l’hôpital”, déclare lundi sur BFMTV le médecin urgentiste.
Pour ce dernier, “il faut qu’on s’interroge collectivement sur quel système de santé nous voulons, dans quelles conditions nous voulons travailler, en ayant tous le même objectif, c’est de pouvoir soigner nos patients correctement”.