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mauvaise volonté des fabricants ou contraintes réelles de fabrication ?


L’intérieur d’un iPhone 12 pro.

Même choyée, la batterie des smartphones se dégrade inexorablement : on ressent le besoin d’en changer tous les trois ou quatre ans. La manœuvre ne demandait qu’une petite minute il y a encore une décennie : pour y accéder, il suffisait souvent d’ôter un capot en plastique un brin récalcitrant. Aujourd’hui, l’opération prend facilement trente minutes et requiert tant d’adresse que beaucoup de bricoleurs abandonnent en cours de route. Cette montée en complexité est-elle justifiée ?

Trois difficultés principales se dressent sur le chemin d’un bricoleur souhaitant changer la batterie d’un mobile, son écran, ou toute autre pièce fragile. La première est d’une nature gluante et tenace : c’est la colle qui maintient fermement l’écran du mobile en place, ainsi que son dos. Pour ramollir cette colle, il faut employer une chaufferette, et pour détacher les éléments, une ventouse. La manœuvre est si délicate que les professionnels de la réparation cassent parfois le dos des mobiles en le séparant du reste.

La ventouse permet de retirer l’écran d’un iPhone 13, après avoir chauffé ses bords.

Cette colle, qui complique tellement les réparations, est-elle irremplaçable ? Les smartphones modernes sont de plus en plus souvent étanches, contrairement à leurs ancêtres, et ce matériau constitue une excellente barrière aux infiltrations : « Elle est légère, économique, durable et facile à déposer », admet Maarten Depypere, responsable de la politique de réparation chez iFixit, un site de modes d’emploi de réparation. En prime, elle « renforce la rigidité du smartphone et protège ses composants électroniques », vante un porte-parole du fabricant Oppo.

Remplacer la colle

Quelques rares fabricants explorent toutefois des solutions alternatives. Fairphone, un fabricant néerlandais de smartphones particulièrement faciles à réparer, remplace la colle par des vis. Crosscall, un fabricant français de mobiles antichoc, mêle vis et colle en quantité réduite. Leurs smartphones sont plus faciles à démonter, certes, mais ils s’avèrent aussi plus lourds et plus volumineux. « Nous avons dû ajouter un joint d’étanchéité qui épaissit légèrement le mobile », admet Nicolas Leclerc, manager recherche et développement chez Crosscall, ajoutant que « les pas de vis élargissent son pourtour ».

Pour Miquel Ballester, directeur de la gestion des produits chez Fairphone, tout est affaire de priorités. « Le design d’un smartphone est extrêmement complexe, on est obligé de choisir ses combats. Si un fabricant veut proposer le produit le moins cher, il ne s’intéressera pas à la façon dont ses smartphones se démontent. C’est le cas de plusieurs marques. »

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Un enchevêtrement complexe

Le second obstacle que rencontrent les bricoleurs, c’est l’enchevêtrement des pièces. Il faut couramment démonter plusieurs éléments avant de pouvoir libérer la batterie. Pour ôter l’écran d’un smartphone Android, c’est pire encore : il faut retirer sa façade arrière puis détacher beaucoup de pièces, ce qui nécessite beaucoup d’habileté, une certaine confiance en soi, et quand vient l’heure de tout remonter, une excellente mémoire.

Le Samsung S21 Ultra, après un démontage intégral.

Il serait plus simple de pouvoir démonter les deux côtés d’un smartphone pour accéder, au choix, à son écran ou à son dos. C’est justement la conception à laquelle est revenu Apple avec l’iPhone 14 Pro, après cinq années passées à imposer un démontage par l’avant, rendant l’arrière très difficile à remplacer. « C’est aussi ce que nous faisons, témoigne Nicolas Leclerc de Crosscall, mais cela complique la conception. Le passage de l’antenne autour du mobile devient difficile, tout comme l’insertion des boutons. » En outre, le smartphone, là aussi, s’épaissit.

L’iPhone 14 Pro a beau être accessible des deux côtés, presque toutes ses pièces continuent de s’empiler dans sa partie arrière de façon intimidante, compliquant nombre de réparations. « On pourrait trouver des solutions créatives à ce problème », témoigne Nicolas Leclerc. Par exemple, répartir les pièces en deux couches, l’une accessible par l’avant, l’autre par l’arrière.

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De minuscules câbles

Reste une troisième difficulté qui peut retenir un particulier de réparer lui-même son smartphone : la taille des câbles. Les plus retors sont ultraplats, larges d’un bon millimètre et s’enfichent dans des prises microscopiques. Leur maniement requiert de bons yeux et une main qui ne tremble pas. Mais, là aussi, des alternatives existent. Chez Crosscall, certains composants s’enfichent directement dans les circuits imprimés, comme de petites pièces de Lego. Chez Fairphone, les principaux câbles sont dotés de leur propre connecteur, suffisamment gros pour être clipsé sans peine par la majorité des particuliers.

Cette solution ne séduit pas Oppo, un gros constructeur qui craint que la multiplication des connecteurs « augmente les taux de pannes ». Interrogé par Le Monde, un porte-parole de la marque chinoise explique que « la fiabilité doit l’emporter sur la réparabilité ». Mais Crosscall et Fairphone insistent plutôt sur deux autres désavantages pour ceux qui cherchent à simplifier ces connexions : la fabrication du mobile se complique et, une fois encore, le smartphone s’épaissit.

L’appétit du grand public

C’est un compromis qui revient inlassablement : un mobile plus « démontable » est un mobile plus volumineux, ce qu’il ne faut pas négliger selon Régis Koenig, directeur de l’offre services et durabilité de Fnac Darty : « Le smartphone, c’est l’outil qu’on utilise le plus souvent dans la journée. Il doit être fin, léger, pratique. »

On se rassurera toutefois en observant le plus démontable des smartphones actuels, le Fairphone 4, qui mesure seulement quelques millimètres d’épaisseur de plus qu’un mobile classique, et pèse seulement quelques dizaines de grammes supplémentaires. « Nous sommes une petite société de cent trente employés, souligne Miquel Ballester. Imaginez ce que pourraient faire les gros constructeurs s’ils suivaient cette idée. Ils trouveraient probablement des solutions bien plus compactes et ingénieuses. »

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Si Apple, Samsung ou Oppo commercialisaient un smartphone plus volumineux et plus facile à démonter, sans doute séduirait-il certains consommateurs rebutés par l’austérité du Fairphone. Le porte-parole d’Oppo estime que cependant « ce serait un marché de niche ». La « démontabilité » est une qualité cachée, qui séduit moins que la finesse d’un mobile, synonyme d’élégance. Un argument qui agace Miquel Ballester : « Les départements marketing des gros constructeurs sont forts pour rendre visibles des choses qu’ils veulent mettre en avant. » Pour Nicolas Leclerc, « c’est un peu dans l’air du temps et ce serait bien d’y venir ».

Même si Apple, Samsung et d’autres grands constructeurs se mettent à concurrencer Fairphone sur le terrain de la démontabilité, de nombreux consommateurs continueront de rester insensibles au problème de la réparabilité, même si un tiers de leurs smartphones casse lorsqu’on les observe sur une période de trois ans, selon une étude du fabricant de mobiles durcis Bullitt.

La législation pourrait cependant ramener le marché entier prochainement à cette préoccupation. La Commission européenne travaille à un texte qui obligerait les fabricants à rendre leurs batteries remplaçables par un profane, sans outils spécifiques – sauf dans le cas où cette batterie serait particulièrement durable et faiblirait peu après mille cycles de charge. « Adieu la glue, s’enthousiasme Maarten Depypere d’iFixit. Nous avons bon espoir que cette législation passe en 2023. »

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Written by Stephanie

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