Emmanuel Macron l’a proclamé plus d’une fois : la France a de grandes ambitions à l’égard de la biodiversité puisqu’elle veut doter 30 % de son espace terrestre et maritime d’un statut de protection, dont un tiers en protection forte. Les 10 % concernés par cette catégorie correspondent aux cœurs des parcs nationaux, aux réserves naturelles en mer ou en forêt : des sanctuaires qui bénéficient du plus haut niveau d’exigence de la réglementation. Mais de quelle protection s’agit-il ? Extractions diverses, pêche industrielle : dans les faits, aucune de ces activités dommageables pour l’environnement n’est explicitement interdite par le décret du 12 avril, qui doit permettre la mise en œuvre de la Stratégie nationale biodiversité 2030 et qui précise le cadre de la protection forte voulue par le gouvernement.
Le texte est très loin de remplir ses objectifs, selon l’association Bloom, qui devait déposer à son encontre un recours devant le Conseil d’Etat, vendredi 7 octobre. Claire Nouvian, la fondatrice de l’association, dénonce « un décret antiécologique » qui « amoindrit la protection de l’océan ». En effet, non seulement il n’évoque pas une éventuelle restriction totale de toute activité, qui toucherait jusqu’à la pêche artisanale, mais il n’aborde même pas le bannissement des entreprises industrielles de ces espaces à préserver strictement. Le décret controversé définit ces derniers comme des zones géographiques dans lesquelles « les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées ». Limitées mais pas interdites. Une « réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif » doit garantir la pérennité de ce statut, obtenu ou, au contraire, retiré, en fonction d’une « analyse au cas par cas » de la situation.
« Cette définition est trop souple, pas assez contraignante. Elle ne précise pas de quels enjeux écologiques relève ce “cas par cas” et ne comporte pas de liste d’activités à proscrire », renchérit Joachim Claudet, chercheur au CNRS et spécialiste du classement des aires marines protégées (AMP). L’effort français en la matière reste de toute façon modeste car, en analysant les comptes rendus administratifs qui permettent de mesurer l’application des textes et la réalité des contrôles effectués, Joachim Claudet et son équipe observent que seulement 1,6 % du domaine maritime français bénéficie de mesures solides pour préserver la biodiversité marine. Encore n’est-il question que de 0,3 % des eaux métropolitaines, car l’essentiel des AMP se situent en outre-mer et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
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