Partager sa position en rentrant d’une soirée est devenu un réflexe pour beaucoup de femmes. La géolocalisation peut-être un outil pour assurer sa sécurité mais cela pose la question du partage des données.
Au Mexique, rentrer seule peut malheureusement souvent tourner au drame. Avec 1004 femmes assassinées, 2021 a été la pire année depuis 2015 lorsque le taux de féminicides avait atteint son record dans le pays. Face au problème d’insécurité dans le pays, les groupes Facebook et WhatsApp se sont multipliés dans les campus étudiants.
La plupart ont vu le jour sur les campus universitaires, raconte le média Rest of World. Ainsi, une jeune femme qui partage sa position, est suivie virtuellement par d’autres membres du groupe, volontaires, tout au long de son trajet. Les étudiantes mexicaines appellent cela “des communautés d’autosurveillance”. Avant d’entrer dans un groupe et pour assurer son bon fonctionnement, elles doivent donner leur numéro d’étudiant à l’administratrice du groupe pour qu’elle puisse vérifier dans le répertoire de l’université.
Même si en cas d’incident, les personnes volontaires ont un moyen d’action limité, partager sa position est une mesure préventive qui peut fournir des informations cruciales si des procédures judiciaires ou des enquêtes sont ouvertes. D’autres groupes très ouverts sont accessibles à un grand nombre de personnes mais cela dissuade souvent les jeunes femmes de partager leur géolocalisation.
Elise est une française qui a passé un semestre au Mexique dans le cadre de ses études de commerce. Elle se trouvait sur le campus de Guadalajara. “Avec mes amies nous rentrions toujours en groupe. Si cela n’était pas possible nous nous assurions que tout le monde était bien rentré en communiquant sur les réseaux sociaux. Exactement comme quand je suis à Paris finalement”, témoigne-t-elle.
Les mêmes réflexes en France
En France aussi des groupes Facebook du même type ont vu le jour comme le groupe “Rentrer safe de soirée Rouen”. Le groupe privé “Rentrer en sécurité à Strasbourg” a lui été créé en novembre 2019.
Différents groupes sont accessibles en fonction des quartiers de la ville et de l’endroit où réside l’utilisateur. Après avoir fait une demande d’adhésion, la personne peut publier un post qui précise la date et l’endroit de départ et d’arrivée, et le trajet pour lequel elle souhaite se faire raccompagner. Les membres du groupe proposent ensuite leur aide.
Les discussions privées avec les proches que l’on connait sont un moyen plus sûr d’assurer sa sécurité. Quand elle rentre de soirée, Chloé partage sa position à un ou une amie grâce à la fonctionnalité “partager ma position” de Messenger. “En 2019 à Lille, j’ai subi une agression en rentrant de soirée. Depuis, je fais toujours en sorte, soit d’être raccompagnée par des amis, soit de partager ma position. Si je me sens en danger, j’adopte la technique que beaucoup de filles font déjà: être au téléphone tout au long du trajet avec une personne de confiance”.
De son côté, Marie, qui habite à Nantes, a un groupe WhatsApp avec les amies avec qui elle a l’habitude de sortir. Elles font toujours en sorte qu’une personne s’assure que tout le monde soit bien rentré après une soirée et a accès à leur localisation sur Google Maps. “Une sorte de SAM sur WhatsApp” s’amuse-t-elle à décrire.
Les applications du quotidien peuvent en effet servir à partager sa position pour garantir sa sécurité. Et cela, Google Maps l’a bien compris. L’application a ajouté une nouvelle fonctionnalité en juillet dernier avec un système de notification lié au partage de position qui avertit lorsqu’une personne est arrivée ou a quitté un lieu. A la condition que la personne concernée transmette déjà sa position.
La question des données
En ce qui concerne le partage des données Google mentionne sur son site le fait que “les notifications ne peuvent être paramétrées que pour une personne qui a déjà choisi de partager sa position avec vous (…) la personne qui a partagé avec vous recevra plusieurs rappels pour l’en informer, notamment une notification instantanée dans l’application Maps et un e-mail, ainsi que des e-mails mensuels récurrents”. L’utilisateur suivi peut désactiver le partage de position à tout moment, ou bloquer la personne chargée de le suivre.
Une étude de TechSchielder, publiée le 6 octobre, sur les données collectées par les applications pointe Facebook comme la plus mauvaise élève. Cela concerne aussi la localisation des utilisateurs. Fin 2019, face à deux sénateurs américains, Facebook a admis pouvoir déterminer la localisation de ses utilisateurs en permanence, que la fonctionnalité géolocalisation soit activée ou non. Ces données sont récoltées pour “des raisons de sécurité et à des fins publicitaires”, a justifié le réseau social.