Mars 2020. Alors que s’annonce un printemps beau et glacial, la France entre dans le confinement. Le premier tour des élections municipales vient de se tenir. La candidate LRM à la Mairie de Paris, Agnès Buzyn, dont les listes sont arrivées en troisième position avec 17 % des voix, est redevenue médecin. Elle a trouvé un point de chute à l’hôpital militaire de Percy, dans les Hauts-de-Seine, en renfort dans l’unité Covid-19. Pour ne pas exposer le reste de sa famille, elle rejoint le soir le studio de l’un de ses fils, parti se confiner dans le Sud.
Cible des réseaux sociaux, critiquée pour sa gestion des prémices de la crise sanitaire et son départ précipité du gouvernement, le 15 février, elle va mal. Et se réfugie dans le travail. Par « peur d’oublier », l’ex-ministre de la santé a entrepris de rédiger un journal rétrospectif de la crise. Elle épluche ses agendas, ses SMS, ses mails, ses boucles Telegram, et entreprend de retracer, aussi précisément que possible, les trois mois les plus « éprouvants » de sa vie. Seule tous les soirs, après l’hôpital, elle écrit. « Ce journal m’a sauvée de la dépression », confie-t-elle aujourd’hui.
Ce document de plus de 600 pages – qui constitue une pièce du dossier à la Cour de justice de la République (CJR) – commence fin 2019 et se termine à l’été 2021. Agnès Buzyn envisageait d’en publier une version édulcorée. Ses amis qui l’ont vue « au fond du trou » après les municipales le lui ont déconseillé : « En t’exposant encore, tu vas donner prise à la critique, ménage-toi ! » Un éditeur parisien lui a dit banco sur le principe, à condition qu’elle n’élude rien et ne cherche à protéger personne. « Je ne veux pas attaquer qui que ce soit, ce n’est pas mon genre, a-t-elle esquivé. Je tiens à ma réputation.
– Mais vous n’avez plus de réputation ! », a rétorqué l’éditeur, qui a finalement renoncé à publier une version adoucie du journal.
Un dossier « océanique »
L’ancienne ministre marche sur un fil, partagée entre sa loyauté envers Emmanuel Macron et Edouard Philippe, qui l’avaient nommée au gouvernement en 2017, et le souhait de ne pas être l’unique bouc émissaire de la crise due au Covid-19, qui a fait 150 000 morts en France. Le député de Paris Gilles Le Gendre (Renaissance), resté proche d’elle, loue sa « force » et son « fair-play ». « Agnès est d’abord médecin, scientifique, rappelle-t-il. Inviter une figure aussi rationnelle en politique, à l’heure où celle-ci est de plus en plus brouillée avec la raison, était une excellente idée. Mais aussi un risque dont elle se retrouve aujourd’hui bien seule à assumer les conséquences. »
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