Animoca Brands est de ces entreprises qui sont moins connues que leur produit ou filiale propre. Pourtant, cette firme hongkongaise a aujourd’hui une portée mondiale et une place centrale dans l’industrie du Web3 puisqu’elle est propriétaire du très en vue métavers « The Sandbox » et s’est aussi érigée comme un poids lourd du jeu vidéo crypto.
Car derrière l’arbre médiatique « The Sandbox », se cache une forêt pléthorique de rachats et de prises de participations dans le portefeuille d’Animoca. En tout, le groupe a un pied dans près de 340 firmes dont le business a une dimension Web3. Et non des moindres : la place de marché OpenSea, Sky Mavis (derrière le jeu « Axie Infinity »), le métavers Decentraland, la blockchain WAX…
« Le seul endroit où nous ne nous trouvons pas est probablement l’Antarctique », ironisait, en février, Yat Siu, le patron d’Animoca, auprès de « Forbes » . Pourtant, son groupe, qui a d’abord eu pour coeur de métier le jeu vidéo mobile, a frôlé la faillite. En 2017, ses revenus sont en chute libre et sa capitalisation boursière – Animoca a été un temps coté en Australie -, n’est plus que d’une poignée de millions. Mais Yat Siu – qui a grandi à Vienne, a appris à coder sur un ordinateur Texas Instruments et a commencé sa carrière chez Atari en Allemagne -, sait s’adapter et a du flair.
De nombreux rachats dans le jeu vidéo
Début 2018 – peu après s’être défait de son portefeuille de 318 jeux mobiles « casuals » (jeu facile d’accès et destiné à un très large public) moyennant 3,8 millions de dollars -, Animoca investit chez Dapper Labs, l’éditeur du jeu CryptoKitties. Permettant d’élever, acheter et vendre des chats virtuels via la crypto ether, ce titre emballe Yat Siu et le convainc des potentialités du Web3. Peu en fonds, Animoca propose à Dapper Labs un échange d’actions ; un montage qui deviendra sa marque de fabrique lors des « deals » qui suivront.
L’exercice 2021 marque un nouveau tournant pour le groupe. Avec l’emballement médiatique drainé par Facebook autour du métavers et du Web3, les regards des investisseurs se tournent vers Animoca qui a levé 216,3 millions de dollars l’an passé (ce qui ne comprend pas le tour de table de 93 millions de « The Sandbox »). En janvier, la firme a encore récolté près de 360 millions, puis 75 millions en juillet, sur la base d’une valorisation de 6 milliards. Un amas de « cash » qui permet à Yat Siu de dérouler sa stratégie.
« Le premier milliard de personnes qui ira sur la blockchain sera constitué par des gens avec un profil de « gamers », énonçait-il publiquement dès 2019. Pas refroidi par le buzz faiblissant autour du métavers ou le ralentissement du marché des cryptos, Animoca a ainsi racheté, ces dernières semaines, une flopée de studios de jeux vidéo à qui il laisse les coudées franches tout en faisant office de chef d’orchestre. Une stratégie et un modus operandi qui ne sont pas sans rappeler Embracer ou Tencent dans le jeu vidéo traditionnel.
« L’open métavers »
« Nous sommes totalement autonomes, confie David Nadal, président du studio lyonnais Eden Games qui a été racheté, en avril, par Animoca. Pour nous aider à intégrer des briques technologiques (blockchain, NFT) dans notre futur jeu de course Web3, ils dépêchent des équipes d’autres entités du groupe qui ont l’expertise pour le faire. » L’objectif de Yat Siu est sans ambages : que tous les chemins du Web3 mènent à Animoca.
« Dans le groupe, personne ne croit au scénario d’un seul métavers fermé. Nous pensons, au contraire, que l’on se dirige vers l’open métavers avec une collection de destinations, souligne Benjamin Charbit, patron du studio parisien Darewise – qui travaille sur un jeu vidéo-métavers (« Life Beyond ») – acquis par Animoca en mars. Et « Life Beyond » est une destination, « The SandBox » en est une autre, le jeu d’Eden Games en sera une autre encore ». Vers l’infini du Web3 et au-delà.