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« Nos modèles climatiques donnent une vision un peu trop optimiste pour le futur »


Météorologue et climatologue, Robert Vautard est coordonnateur d’un des chapitres du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Directeur de recherche au CNRS, il dirige l’Institut Pierre-Simon-Laplace.

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Multiplication des vagues de chaleur, sécheresses, orages violents : est-on en train d’assister à une accélération du changement climatique en France ?

Il faut se méfier du terme « accélération ». Disons que la vitesse du changement est forte, plus forte, en tout cas, que ce que prédisent les modèles des climatologues s’agissant de l’ouest de l’Europe. Le réchauffement n’est pas exponentiel, les événements extrêmes peuvent épargner une région, ici ou là, à un moment donné.

En France, par exemple, l’été prochain pourrait ne pas être à l’image de l’actuel. Il n’est pas impossible que surviennent des pauses, comme celle que nous avons connue en 2021, où nous avions subi une seule vague de chaleur relative en juin. Mais cette année-là fait figure d’exception depuis 2015 : 2018 a été très chaude, en 2019 on a battu des records un peu partout – il a fait 46 °C dans la région de Nîmes, notamment –, idem en 2020. Globalement, nous allons affronter des problèmes aigus l’été : fortes chaleurs, sécheresses marquées, épisodes de pluies très intenses… Même si ce ne sera peut-être pas le cas tous les ans.

Les orages de ces jours-ci ont malheureusement un lourd bilan. Ils permettent d’avoir des rivières un peu moins à sec, mais ils ne suffiront pas à combler les déficits d’eau dans les sols. Car lorsqu’ils sont privés d’humidité, ceux-ci n’absorbent pas l’eau. Les ruissellements sont alors très importants.

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On peut aussi s’attendre désormais à des pluies diluviennes l’automne autour de la Méditerranée, pas uniquement en France, car, quand la mer est très chaude, elle donne lieu à davantage d’évaporation. Une anomalie de canicule marine est actuellement signalée autour de l’Italie et de la Sicile. Ce genre d’événement fournit des conditions favorables à la survenue de « cyclones méditerranéens » ; des phénomènes moins intenses et moins destructeurs que ceux des tropiques, mais qui peuvent néanmoins susciter beaucoup de dégâts.

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Comment expliquez-vous ce décalage entre les prévisions des modèles et la réalité observée en Europe de l’Ouest ?

Nos modèles simulent à la fois les climats futurs et passés. Ils le font relativement bien, mais, pour les températures estivales en Europe de l’Ouest, ils sont un peu en deçà et sous-estiment l’amplitude du changement en cours dans cette partie du monde. Ils indiquent des températures moyennes supérieures de 2 °C lors des canicules intenses en été par rapport au début du XXe siècle. Or, il se dessine plutôt une hausse de 3 °C à 5 °C, selon les mois et selon les endroits. Les records dépassant les 40 °C enregistrés dans la région de Londres, les 18 et 19 juillet, excèdent de 4 °C les températures des vagues de chaleur de l’ère préindustrielle. Il semble que nous soyons à peu près dans le même cas en France : il manque 2 °C dans nos modèles, nous devons travailler pour comprendre d’où provient cette erreur.

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Written by Stephanie

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