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En Inde, le Brahmapoutre engloutit peu à peu une île de 200 000 habitants


On gagne Majuli en ferry depuis un minuscule port près de Jorhat, dans l’Assam, au nord-est de l’Inde. C’est une terre isolée, coincée entre deux fleuves, à l’écart du brouhaha du monde. En janvier-février, les pieds de moutarde en fleur parent les champs d’un jaune intense. L’été, une grande partie du territoire est noyée sous les pluies de la mousson. Il règne sur cette terre un mélange de spiritualité et de sérénité, mais aussi de fatalisme.

Il faut se hâter de visiter Majuli, car, d’ici à 2030, la plus grande île fluviale au monde aura disparu, engloutie par le Brahmapoutre, ce fleuve tempétueux qui prend naissance au Tibet pour aller se jeter dans le golfe du Bengale après avoir traversé l’Inde et le Bangladesh. En un siècle, l’île, qui abrite 200 000 personnes, a perdu plus de la moitié de sa surface, 70 villages ont été rayés de la carte.

Fatalisme et sérénité

Ses sols s’érodent à une vitesse accélérée sous l’effet du dérèglement climatique, des inondations et des barrages construits par l’homme en amont. Il ne restera bientôt plus rien des maisons sur pilotis des Mising, « le peuple du fleuve », l’ethnie majoritaire, ni des satras, les monastères hindous du XVIsiècle, à la fois lieux de culte et centres culturels et artistiques. L’île en a compté jusqu’à 65, il n’en demeure que vingt-deux, la majorité a été noyée par le fleuve.

Le photographe hongrois András Zoltai, 32 ans, est né en Hongrie à côté d’une belle rivière, la Tisza. Fasciné par les grands fleuves, il a voulu saisir l’atmosphère si particulière de Majuli, qu’il a découvert pour la première fois en 2020 : son isolement sur le plan géographique, social et spirituel ; la relation des habitants avec leur île, la nature, l’eau ; cet équilibre fragile ébranlé par le réchauffement climatique. Il a vécu avec les résidents, partagé notamment le quotidien de deux familles, jusqu’à tisser des liens intimes et profonds et a pu comprendre ce que le fleuve représente pour eux.

« J’ai rencontré un vieil homme à Salmora qui avait déménagé à plus de dix reprises, et il continue à vivre à Majuli. » András Zoltai, photographe

« Je suis allé à Majuli trois fois, pendant plus de cent jours, raconte-t-il. Ma méthode de travail est toujours participative, j’essaie de vivre comme les gens. Des familles m’ont accueilli pendant de longues journées et, avec leurs yeux, il était beaucoup plus facile de voir la vérité et de comprendre leur façon de penser. J’avais envie de raconter le réchauffement climatique à travers eux plutôt que de déshumaniser le phénomène en photographiant les crues qui emportent les maisons et les berges qui s’effondrent. »

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Written by Stephanie

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