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Les forêts françaises en danger de mort? Comment les sécheresses répétées fragilisent nos arbres


Le manque d’eau répété et les vagues de chaleur affaiblissent grandement certaines espèces d’arbres qui arrêtent leur croissance et sont moins résistantes face aux attaques de champignons et d’insectes. Les spécialistes de la forêt française s’inquiètent.

Quasiment pas une goutte de pluie par endroits. Le mois de juillet 2022 a été le mois de juillet le plus sec jamais enregistré depuis le début des relevés. Et en cette fin d’été, 93 départements sont toujours concernés par des restrictions en raison de l’importante sécheresse qui frappe la France depuis plusieurs semaines. Cette aridité a de lourdes conséquences sur la bonne santé de nos arbres, fragilisés par le manque d’eau prolongé.

Erwin Ulrich, pilote de la mission adaptation des forêts au changement climatique de l’Office national des forêts (ONF), a mis en garde ce lundi dans Libération, évoquant une “catastrophe silencieuse” dans les forêts françaises: les canicules et sécheresses répétées ces dernières années pourraient entraîner des “milliers d’hectares de forêts perdus”.

“Les dépérissements auxquels on s’attend maintenant concernent le hêtre, le chêne, le pin sylvestre, les pins noirs, les sapins… dans quasiment toute la France”, prévient-il.

“Les arbres respirent et transpirent”

Déjà en 2019, le ministère de l’Agriculture parlait du “stress subi par les arbres”, écrivant que “le déficit hydrique combiné aux fortes températures de l’été 2018 s’est traduit dès juillet 2018 par des jaunissements, rougissements et chutes de feuilles des arbres”.

Cette année également, depuis la mi-juillet, on observe un automne anticipé causé par les vagues de chaleur à répétition et la sécheresse, avec des arbres qui perdent déjà leurs feuilles.

“Les arbres, comme beaucoup d’êtres vivants, respirent et transpirent, eux par de petits orifices sous leurs feuilles”, explique à BFMTV.com Brigitte Musch, responsable de pôle recherche, développement et innovation à l’ONF.

Or quand ils manquent d’eau, “ils ferment leurs orifices et arrêtent de transpirer, mais du même coup arrêtent aussi de respirer”. Dans ce contexte de sécheresse, certaines essences se débarrassent donc de leurs feuilles.

Une diminution temporaire d’eau “impose aux arbres de pouvoir s’adapter rapidement afin de survivre à cette période défavorable”, écrit l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique). “Ainsi, quand l’eau vient à manquer, le peuplier réduit sa surface foliaire, limitant ainsi les pertes d’eau par évapotranspiration.”

Cette adaptation “peut survenir en quelques jours et elle est réversible”. Si le phénomène est impressionnant, il n’est donc pas forcément grave, car la pousse peut reprendre sur l’arbre. Il existe toutefois dans certains cas un risque d’embolie gazeuse, qui peut être mortelle.

Le risque des “embolies”

Chez les arbres, “la sève monte du sol aux feuilles par des vaisseaux” mais avec la sécheresse combinée à la chaleur, l’eau qui vient nourrir la partie supérieure de l’arbre peut s’évaporer et laisser place à des poches de gaz. “Cela peut bloquer l’eau qui s’achemine et entraîner la même chose qu’une embolie pulmonaire”, explique à BFMTV.com Thierry Gauquelin, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille, chercheur à l’IMBE (Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie).

“Des parties supérieures de l’arbre peuvent alors mourir, voire tout l’arbre”, déclare-t-il.

Affaiblis par la chaleur, les arbres subissent ainsi plus facilement les attaques de champignons ou d’insectes, contre lesquels ils peuvent habituellement se défendre. “Les effets conjugués des printemps et des étés depuis 2018, exceptionnellement chauds et secs, ont entraîné une prolifération de scolytes” (insectes s’attaquant au bois) dans les forêts d’épicéa, écrivait l’Inrae en 2021, parlant d’une “épidémie, préoccupante pour la santé des forêts et des écosystèmes concernés”.

“Nos frênes ont quasiment tous été attaqués par la chalarose (une maladie causée par un champignon, NDLR) et attendent leur mort”, déclare également Erwin Ulrich.

Les arbres plus secs font également des combustibles plus faciles pour les incendies, qui ont ravagé une partie des forêts cette année, une situation qui risque de se reproduire.

Des hêtres “en train de dépérir”

Plus que la seule sécheresse de cet été 2022, c’est l’accumulation des vagues de chaleur sur plusieurs mois et années qui inquiète les spécialistes. “Quand les arbres arrêtent de respirer, ils arrêtent aussi de mettre des sucres en réserve, donc plus la période de sécheresse est longue, moins ils ont de sucres en réserve”, relève Brigitte Musch. Or ces sucres permettent à l’arbre de repartir, de relancer sa croissance.

“Si on a des sécheresses à répétition, que la saison favorable à l’arbre est courte, la croissance va être stoppée” ou fortement ralentie, “ce qui va entrainer une taille des branches et des feuilles plus petite” par la suite, explique la chercheuse. Et plus les feuilles sont petites, plus les réserves de sucre faites par l’arbre seront faibles, donc sa croissance à l’avenir.

Ce phénomène ne touche toutefois pas tous les arbres de façon uniforme: certaines espèces sont bien plus fragilisées que d’autres, comme “les feuillus avec de grandes feuilles” qui ont “une surface de transpiration plus grande”. Thierry Gauquelin cite ainsi le chêne pédonculé ou le chêne sessile. Mais parmi les espèces touchées en France, les experts citent surtout le hêtre.

“Il a des feuilles très fines et supporte peu la sécheresse, il souffre beaucoup”, explique le chercheur. “Les hêtres de la Sainte-Baume (massif s’étendant sur les Bouches-du-Rhône et le Var, NDLR), sont en train de dépérir”, alerte également Brigitte Musch. Et ceux présents plus au nord, “en Bourgogne et en Lorraine”, “subissent aussi un effet fort du changement climatique, avec un affaiblissement important”.

“Quand les arbres meurent, l’écosystème est chamboulé”

Il est toutefois pour l’instant difficile de connaître les conséquences de cette sécheresse sur les forêts dans les prochains mois – “on verra au printemps prochain” dit la chercheuse. Parmi les arbres affaiblis par les vagues de chaleur et le manque d’eau, “certains pourraient mourir dans deux ou trois ans, car ils auront subi des traumas trop importants”, déclare également Thierry Gauquelin.

Et “quand des arbres meurent, l’écosystème d’une forêt est chamboulé: il y a plus de lumière, moins de litière au sol… Ce n’est pas seulement l’arbre qui est concerné”, explique-t-il.

Afin de pallier cette fragilisation d’une partie de la flore, des expérimentations de “migration assistée” sont en cours. “L’homme se substitue à la nature et implante des espèces méditerranéennes plus au nord”, afin de renforcer des forêts où les espèces sont moins habituées à la chaleur, détaille Brigitte Musch.

“Ce qui est important c’est d’avoir des peuplements diversifiés avec une mixité d’espèces”, assure Thierry Gauquelin, pour avoir ensuite des arbres “plus résilients qui vont beaucoup plus s’adapter et être moins sensibles aux vagues de chaleur”. Mais le chercheur souligne également la nécessité, avant tout, de limiter le réchauffement climatique qui bouleverse nos écosystèmes.

Salomé Vincendon

Salomé Vincendon Journaliste BFMTV

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Written by Stephanie

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