Le candidat caquiste Bernard Drainville est clair: le troisième lien est tellement nécessaire qu’on ne devrait même pas parler gaz à effet de serre (GES). Les experts mandatés par le gouvernement de François Legault exhortent pourtant Québec à cesser de construire de nouvelles routes.
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«L’attente qu’on vit, elle n’a pas besoin d’être étudiée. T’as juste à être dans ton char, dans le trafic, pis tu la vis, la maudite attente, et elle est de plus en plus longue. Et les gens sont de plus en plus tannés de se faire dire : “Vous [n’en] avez pas besoin, c’est pas nécessaire.”», a lancé Bernard Drainville en point de presse, ce matin.
Mais contrairement à ce que laisse entendre le candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans Lévis, la construction d’un troisième lien entre Québec et Lévis ne permettrait pas d’alléger le trafic sur les ponts de la Capitale-Nationale − ou du moins pas à moyen et long terme −, assurent des experts.
«[…] La recherche est sans équivoque: l’augmentation de la capacité routière engendre du trafic additionnel», notent les 11 experts du Comité consultatif sur les changements climatiques, mandatés par le gouvernement.
Selon des données du Journal, avec le troisième lien, ce serait pas moins de 36 800 déplacements interrives qui viendraient s’ajouter d’ici 2036, empirant nécessairement la circulation.
Et qui dit plus de déplacements et de congestion dit aussi plus de GES, qui participent au réchauffement climatique.
Rappelons qu’une réduction draconienne des émissions de GES est nécessaire pour espérer limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle et d’éviter d’empirer les conséquences en découlant, alerte le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
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Le secteur des transports comptant pour 43% des émissions au Québec, il est névralgique pour atteindre nos cibles de réduction de GES.
Milieux naturels menacés et étalement urbain
Mais les impacts environnementaux du troisième lien se feraient ressentir bien avant son inauguration, indiquent les experts. Des milieux naturels importants à la lutte contre les changements climatiques devront en effet être détruits pour sa construction.
«L’artificialisation des milieux naturels a pour effet de relâcher le carbone qui y est stocké et élimine leur potentiel de séquestration par la photosynthèse», font-ils valoir.
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Et c’est sans compter l’étalement urbain qu’engendrera l’augmentation de la capacité routière. Les experts notent que «l’élargissement de la trame urbaine» qu’entraîne un tel projet contribue à un niveau d’émissions 30 fois plus important dans les villes nord-américaine que dans certaines villes sud-asiatiques.
«Cette croissance est à mettre en relation avec le mode d’aménagement du territoire entraînant un étalement des zones habitées et induisant, pour répondre à la grande majorité des besoins de transport des ménages, le recours accru aux véhicules légers individuels et de fortes émissions de GES», souligne le comité.
Par ailleurs, les investissements prévus d’ici 2030 dans les transports collectifs et l’électrification des transports ne seront pas suffisants pour atteindre les objectifs climatiques du Québec, déplorent les experts dans leur rapport.
Des véhicules électriques dans le troisième lien?
Dans son point de presse, Bernard Drainville a aussi avancé que de plus en plus de véhicules électriques circuleront au Québec et emprunteront le fameux tunnel. Or, les véhicules électriques ne représentent actuellement que 7,1% du parc automobile de la province, selon des données de l’Association des véhicules électriques du Québec.
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Avec la fin de la vente de véhicules à essence prévue pour 2035 au Canada, cette proportion va certainement augmenter, mais il est difficile de présumer qu’une fois ouvert à la circulation, la majorité des véhicules empruntant le troisième lien seront électriques.
Et contrairement à ce que le candidat a affirmé, la place attribuée aux transports en commun dans la plus récente mouture du troisième lien est limitée. La CAQ a notamment abandonné l’idée d’une voie dédiée à 100% au transport collectif.
— Avec Élizabeth Ménard, 24 heures