in

Le phoque moine, décimé pendant l’Antiquité


Phoque moine de Méditerranée, en 2004.

Les humains sont de grands prédateurs, ce n’est plus à démontrer. La sixième extinction de masse témoigne, sous nos yeux, de ce que notre mode de vie inflige aux autres espèces. Pourtant Sapiens n’a pas attendu l’anthropocène pour exercer sa macabre besogne. Les scientifiques l’ont démontré : il y a quelque 14 000 ans, nos ancêtres, à peine arrivés en Amérique du Nord, éradiquaient mammouths laineux et chevaux sauvages. A l’autre bout de l’hémisphère, cette fois il y a 40 000 ans, ils avaient fait de même avec la cinquantaine d’espèces de marsupiaux et de monotrèmes géants qui vivaient alors en Australie.

Les phoques moines de Méditerranée ont connu un destin un peu moins funeste. L’Union internationale de conservation de la nature (UICN) a même retiré l’espèce de la catégorie « en danger critique d’extinction », après plusieurs rebonds enregistrés en Atlantique et dans l’est de la Méditerranée. Il n’empêche : avec moins de 500 adultes répertoriés et des groupes parfois isolés, le pinnipède reste « en danger d’extinction ». Autrement dit, dans une situation éminemment fragile. Sans doute convient-il ici de préciser que le phoque moine, ainsi nommé pour sa tendance à vivre isolé et dans des grottes, ne doit pas être confondu avec les phoques gris, phoques communs, et autres pinnipèdes des mers froides – Bretagne et Somme comprises. Lui nage en eau chaude, avec une sous-espèce à Hawaï et une autre dans quelques poches de notre Grande Bleue. « Or autrefois, ils étaient présents partout de la mer Noire à l’Atlantique Nord, insiste Philippe Gaubert, chargé de recherche à l’Institut pour la recherche et le développement (IRD). On a voulu savoir comment on en était arrivé là. »

Passage au tamis de la génétique

Pour conduire cette enquête, lui et son collègue Jordi Salmona, également chercheur au Laboratoire évolution et diversité biologique (rattaché à l’IRD, Toulouse) ont monté une équipe internationale afin de passer un vaste échantillon au tamis de la génétique. Pour cela, ils ont pu bénéficier de 20 tissus provenant d’animaux anciens (jusqu’en 1830) et de 314 nécropsies réalisées entre 1989 et 2020. Les résultats, publiés le 31 août dans la revue de la Royal Society, Proceedings B, sont édifiants.

Les biologistes ont retrouvé dans les marqueurs certaines observations de terrain : « Il y a bien trois populations distinctes, l’une en Méditerranée de l’Est, Grèce, Turquie, Chypre ; une autre au large du Sahara Occidental ; une troisième à Madère », indique Jordi Salmona. Une quatrième, autrefois logée dans l’ouest de la Méditerranée, pourrait être éteinte. Ces populations témoignent, entre elles, d’une continuité génétique, « mais aussi, chacune, d’une très faible diversité », poursuit le chercheur. A Madère, la vingtaine d’individus adultes présenterait même une « consanguinité préoccupante ».

Il vous reste 34.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

What do you think?

Written by Stephanie

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Le Fonds mondial cherche 18 milliards de dollars contre le sida, la tuberculose et le paludisme

la capsule New Shepard a pu s’éjecter