Une étude américaine rapporte qu’entre 2012 et 2019, l’incidence du cancer de l’œsophage a doublé chez les 45-64 ans.
Cette évolution silencieuse contribue au haut taux de mortalité associé au cancer de l’œsophage, avec seulement 15 % des patients qui sont encore en vie 5 ans après le diagnostic.
Cancer en progression
Bien qu’assez rare, l’incidence du cancer de l’œsophage a néanmoins énormément augmenté au cours des 40 dernières années et cette maladie est maintenant considérée comme l’un des cancers dont la progression est la plus fulgurante1.
Une étude récente illustre cette forte augmentation d’incidence : l’analyse des dossiers médicaux électroniques de 5 millions de personnes vivant en Floride a révélé que chez les personnes âgées de 45 à 64 ans, le diagnostic d’un cancer de l’œsophage a pratiquement doublé en moins de dix ans (2012-2019), passant de 49 à 94 cas par 100 000 personnes2.
Cette hausse n’est pas liée à une augmentation du dépistage, car les taux d’endoscopie n’ont pas varié durant cette période, et reflète donc une accélération réelle et extrêmement rapide du nombre de personnes touchées par cette maladie au cours des dernières années.
Les risques de l’obésité
Qu’est-ce qui peut expliquer une hausse aussi rapide et importante ? Il faut tout d’abord dire que les cellules qui tapissent l’œsophage semblent particulièrement susceptibles à développer un cancer : des études récentes ont montré que ces cellules accumulent spontanément un grand nombre de mutations, si bien qu’à 50 ans, plus de la moitié de la paroi de l’œsophage est formée de clones mutés, contenant plusieurs milliers de mutations dans des gènes procancéreux3.
Il est donc probable que la hausse récente des cancers de l’œsophage soit due à un ou des facteurs qui favorisent la progression de ces cellules mutantes vers des formes de cancers plus avancés.
Un de ces facteurs est certainement la forte hausse du nombre de personnes en surpoids qui s’est produite au cours des dernières décennies.
L’obésité est souvent associée à des reflux gastro-œsophagiens chroniques qui favorisent le développement de l’endobrachyœsophage (œsophage de Barrett), une condition qui est associée à une augmentation très importante (de 30 à 60 fois) du risque d’adénocarcinome de l’œsophage. L’exposition répétée des cellules présentes à la jonction estomac-œsophage à l’acidité gastrique provoque un remplacement (métaplasie) du tissu œsophagien normal par une muqueuse de type intestinal, cette dernière pouvant par la suite évoluer en adénocarcinome.
Ces observations montrent encore une fois à quel point nos habitudes de vie peuvent influencer le développement du cancer. Malgré son fardeau élevé de mutations, le cancer de l’œsophage demeure une maladie rare, ce qui signifie que nos défenses anticancer naturelles parviennent normalement à neutraliser sa progression. Les bouleversements métaboliques et physiologiques entraînés par l’excès de graisse affaiblissent ces défenses et procurent aux cellules précancéreuses un environnement plus permissif, qui peut favoriser leur évolution en cancer mature.
- Brown LM et coll. Incidence of adenocarcinoma of the esophagus among white Americans by sex, stage, and age. J. Natl Cancer Inst. 2008; 100: 1184-7.
- Qumseya BJ et coll. Alarming increase in prevalence of esophageal cancer and Barrett’s esophagus in middle-aged patients: Findings from a statewide database of over five million patients. DDW 2022; Abstract 671.
- Martincorena I et coll. Somatic mutant clones colonize the human esophagus with age. Science 2018; 362: 911-917.