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A Canet-en-Roussillon, le crabe bleu a réduit à néant la pêche aux anguilles


Le soleil se lève tout juste et le pêcheur est prêt à partir dans sa petite barque à fond plat : Jean-Claude Pons, accompagné de sa chienne, va relever les filets posés quelques jours plus tôt quelques centaines de mètres au large. Il est pêcheur d’anguilles depuis plus de trente-cinq ans dans l’étang côtier de Canet-en-Roussillon, séparé de la mer par un mince cordon dunaire, un peu au sud de Perpignan. Mais, aujourd’hui, il va chercher une vingtaine de crabes qu’un particulier lui a commandés.

Jean-Claude Pons vient ramasser des crabes bleus pris dans ses pièges. Canet-en-Roussillon, Pyrénées-Orientales, le 8 septembre 2022.
Crabes bleus ramassés par Jean-Claude Pons. Canet-en-Roussillon, Pyrénées-Orientales, le 8 septembre 2022.

Arrivé à hauteur du filet, le pêcheur au visage buriné tire sur le premier cercle de son filet, une sorte de tube en mailles, qui peut mesurer plusieurs dizaines de mètres de long, dans lequel l’anguille peut continuer à bouger sans sortir. A mains nues, il en extrait les crabes et remet le filet à l’eau. Il aurait pu en prendre cent, deux cents, sans doute un millier. Le filet était rempli de crabes. Mais il ne le fera pas. A quoi bon ? Pour les jeter dans la garrigue comme les précédents ? Son métier à lui, c’est avant tout l’anguille.

Prises d’anguilles dérisoires

Le crabe bleu a été identifié dans l’étang pour la première fois en 2017. C’est un crabe originaire de la côte Atlantique américaine et qui, selon toute probabilité, a traversé l’Atlantique dans les ballasts des cargos. Depuis, l’animal a tout dévoré dans cet étang long de 4 kilomètres environ et qui ne dépasse jamais 1 mètre de profondeur : les anguilles mais également les autres espèces – soles, loups, muges. Canet-en-Roussillon n’est pas le seul endroit colonisé. En Espagne, l’arthropode a entièrement envahi le delta de l’Ebre. Aujourd’hui, il remonte peu à peu la côte occitane, gagnant les étangs de Leucate et de La Palme, dans l’Aude. Depuis deux ans, il est aussi présent dans l’étang de Biguglia, dans la plaine orientale corse. Mais c’est dans l’étang de Canet-en-Roussillon qu’il cause le plus de dégâts.

Yves Rougé tenant un crabe bleu dans sa main. Canet-en-Roussillon, Pyrénées-Orientales, le 8 septembre 2022.
Crabes bleus ramassés par Jean-Claude Pons. Canet-en-Roussillon, Pyrénées-Orientales, le 8 septembre 2022.
Jean-Claude Pons constate les dégâts causés par les crabes bleus de l’étang sur ses filets servant normalement pour l’anguille. Canet-en-Roussillon, Pyrénées-Orientales, le 8 septembre 2022.

La petite pêche traditionnelle en fait les frais. Pendant des décennies, Jean-Claude et quatre autres pêcheurs ont vécu de la pêche aux anguilles qu’ils pratiquaient de septembre à décembre et de mars à mai. Ils pouvaient parfois sortir 100 kilos de l’étang, qu’un mareyeur de Port-la-Nouvelle achetait pour fournir les marchés italiens, espagnols ou néerlandais. Mais, à 6 euros le kilo, il faut des pêches fournies pour assurer une rentabilité. Or, les prises actuelles sont dérisoires, au point que le mareyeur ne se déplace plus.

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Les cinq hommes ont tenté de mobiliser les pouvoirs publics. Au printemps 2022, un plan de 400 000 euros, financé à parts égales par l’Etat et la région Occitanie, est annoncé, afin de rémunérer les pêcheurs quand ils retirent des crabes de l’étang et de financer la recherche sur les raisons de leur prolifération.

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Written by Stephanie

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