La jeune revue Sphères, pilotée par Lucas Bidault, Simon Rossi et César Marchal, s’attache à modifier notre regard sur des milieux trop peu explorés à travers le récit de quelques passionnés, et ainsi « comprendre une facette de notre société ». Après des numéros consacrés aux danseurs, aux cavaliers, ou encore aux tatoués, c’est dans l’univers des navigateurs que nous embarque ce huitième numéro.
Entretiens, portraits, reportages, la revue propose une vision kaléidoscopique du milieu des marins, accompagnée de photos saisissantes. En balayant large, Sphères laisse place à une multiplicité de points de vue, faisant parler les navigateurs au même titre que ceux qui vivent dans l’attente de leur retour, ainsi que l’illustre le dossier « Ceux qui restent ».
On nous fait vivre notamment le quotidien d’une mère de famille dont le mari, souvent absent, est chef des opérations à bord d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA). Quant au reportage « D’un bord à l’autre », il rend compte du large spectre des passionnés de navigation, nous faisant successivement rencontrer les moussaillons du club de voile de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et les membres du fastueux Yacht-club de France.
Donner l’envie de prendre le large
Parmi les temps forts de cet opus, l’entretien croisé entre Thomas Pesquet et François Gabart, intitulé « Sea, Space and Fun », permet de mieux appréhender la personnalité des deux navigateurs. La discussion entre ces deux amis qui s’admirent l’un l’autre est l’occasion de mettre en lumière les points communs et les différences entre le métier de celui qui a passé près de quatre cents jours à bord de la station spatiale internationale (ISS) et celui qui détient le record du tour du monde à la voile, en quarante-deux jours.
Le spationaute et le navigateur se retrouvent pour évoquer cet espace qu’ils ont en commun, celui « qui n’est pas fait pour nous », selon les mots de Thomas Pesquet. Qu’il s’agisse du vide spatial ou des tempêtes de l’océan, les deux hommes se retrouvent tous deux enfermés dans un habitacle d’où ils doivent gérer un environnement qui leur est hostile et qui exige d’eux une « capacité d’adaptation », une exigence qui les exalte.
La rêverie devant un espace mystérieux, le besoin d’horizon, la joie de partager ses aventures sont quelques-uns des thèmes qui rapprochent les deux navigateurs, et qu’ils abordent avec rationalité autant qu’avec humour.
Les 144 pages et la presque vingtaine de petites histoires qui composent cette mosaïque des navigateurs nous proposent aussi une évasion loin de l’agitation du présent au travers d’un voyage à bord du Brioc, une réplique d’un bateau léger (un curragh) datant du Xe siècle, en compagnie de l’association de reconstitution historique Gward an aod (garde-côtes), mais également un périple littéraire, grâce à une sélection de textes évoquant la solitude en mer. Ce numéro donne au navigateur confirmé comme au néophyte l’envie de prendre le large.
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