C’est une nouvelle étape franchie. La Russie va arrêter d’exploiter la Station spatiale internationale (ISS) « après 2024 », a annoncé mardi 26 juillet le patron de l’Agence spatiale russe (Roscosmos), Iouri Borissov, qui a affiché les ambitions spatiales de son pays.
« Nous allons sans doute remplir toutes nos obligations à l’égard de nos partenaires » de l’ISS, a-t-il précisé lors d’une rencontre télévisée avec le président russe Vladimir Poutine. « Mais la décision de quitter cette station après 2024 a été prise », a-t-il affirmé.
« Je pense que d’ici là, nous commencerons à créer la station orbitale russe », qui sera « la principale priorité » du programme spatial national, a annoncé M. Borissov, ajoutant : « L’avenir des vols habités russes doit se baser avant tout sur un programme scientifique systémique et équilibré pour que chaque vol nous enrichisse en connaissances dans le domaine spatial. »
La NASA pas encore notifiée officiellement de ce départ
Après cette annonce, la NASA a toutefois fait savoir ne pas encore avoir reçu notification officielle de cette décision. « Nous n’avons reçu aucune déclaration officielle de notre partenaire concernant la nouvelle d’aujourd’hui », a ainsi déclaré mardi matin Robyn Gatens, la directrice de l’ISS à la NASA, lors d’une conférence spatiale à Washington.
Modèle de coopération internationale réunissant l’Europe, le Japon, les Etats-Unis et la Russie, l’ISS a commencé à être assemblée en 1998. Sa retraite était prévue en 2024, mais la NASA a estimé qu’elle pouvait fonctionner jusqu’en 2030.
L’annonce russe de vouloir se retirer de l’ISS intervient une dizaine de jours après la nomination à la tête de Roscomos d’un nouveau patron, Iouri Borissov, qui a remplacé Dmitri Rogozine, connu pour son style abrasif et son nationalisme outrancier. Jusqu’à cette nomination, M. Borissov, 65 ans, était vice-premier ministre chargé du complexe militaro-industriel russe, qui comprend le domaine spatial.
« C’est un grand honneur pour moi, mais aussi des obligations supplémentaires », a déclaré Borissov devant le chef de l’Etat russe mardi. « Le domaine spatial est dans une situation difficile, et je pense que ma tâche principale (…) est de ne pas faire tomber la barre, mais de la placer plus haut », a-t-il souligné.
Une coopération mise à mal par la guerre en Ukraine
En 2020, la Russie avait perdu le monopole des envois dans l’espace, avec ses lanceurs et vaisseaux Soyouz vieillissants mais fiables, face à l’arrivée sur scène du vaisseau SpaceX du milliardaire Elon Musk.
La coopération russo-occidentale dans le domaine spatial a également été mise à mal depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février. Les sanctions occidentales prises contre la Russie en raison de cette guerre touchent en partie l’industrie aérospatiale russe et risquent d’avoir des effets sur l’ISS, dont certains ravitaillements pourraient être perturbés.
M. Rogozine, le précédent patron de Roscosmos, avait déjà laissé entendre qu’à cause des sanctions la Russie allait renoncer à l’idée de prolonger la durée de vie de l’ISS jusqu’en 2030. Il avait ainsi affirmé en mars que sans les Russes l’ISS s’écraserait sur Terre, faute de moyens de corriger l’orbite de la structure de 500 tonnes.
L’Agence spatiale européenne (ESA) a également acté depuis le début du conflit la suspension de la mission russo-européenne ExoMars et la recherche de solutions de remplacement pour le lancement de quatre autres missions. De son côté, Moscou a suspendu en février le lancement de satellites OneWeb.
Si la Russie a l’ambition de se relancer indépendamment dans la course spatiale, elle est confrontée néanmoins depuis des années à de graves problèmes, notamment une corruption endémique qui freinent ses programmes et l’innovation.