Des résultats surprenants montrent que la grande majorité des cellules cancéreuses qui vont former des métastases circulent dans le sang pendant la nuit. Cette découverte pourrait révolutionner le traitement du cancer en modifiant les horaires d’administration de médicaments anticancéreux pour améliorer leur efficacité.
Le cancer est une maladie particulièrement dangereuse lorsque les cellules d’une tumeur parviennent à se faufiler dans la circulation sanguine et à s’établir à un autre endroit du corps. Ces nouvelles tumeurs, qu’on appelle métastases, sont extrêmement difficiles à éradiquer et sont encore aujourd’hui responsables d’environ 90 % de la mortalité liée au cancer.
Mieux comprendre comment ces cellules tumorales circulantes peuvent former ces métastases est donc absolument essentiel pour améliorer l’efficacité des traitements et la survie des patients atteints de cancers de stades avancés.
Les cellules tumorales circulantes (CTC) peuvent circuler dans la circulation sanguine sous forme de cellules individuelles ou encore sous forme d’amas contenant deux ou plusieurs cellules. Les amas de CTC contiennent aussi fréquemment d’autres cellules non cancéreuses, certaines cellules immunitaires par exemple, et il semble que la formation de ces agrégats favorise la progression des métastases.
Par contre, les facteurs qui gouvernent la relâche de ces CTC, de même que leur agressivité à former des métastases demeurent mal compris.
Relâche nocturne
Selon une étude récemment parue dans le prestigieux Nature, un des facteurs clés dans l’agressivité des métastases serait le moment de la journée où les cellules tumorales sont relâchées dans la circulation sanguine(1).
Dans cette étude, des chercheurs suisses ont analysé des échantillons de sang de 30 femmes atteintes d’un cancer du sein, en prélevant les échantillons à 4 heures du matin (période de repos) et à 10 heures du matin (période active).
À leur grande surprise, ils ont constaté que 80 % de toutes les cellules tumorales circulantes contenues dans le sang étaient présentes dans des échantillons prélevés pendant la phase de repos, au beau milieu de la nuit.
Non seulement les CTC étaient en plus grand nombre durant la nuit, mais ces cellules présentaient également une plus grande capacité de croissance et étaient plus susceptibles de former des métastases lorsqu’injectées à des animaux modèles.
Une analyse moléculaire par des outils biochimiques de pointe (single-cell RNA sequencing) a révélé que la plus grande agressivité des cellules circulantes nocturnes était due à une augmentation marquée des niveaux de gènes impliqués dans la division cellulaire comparativement aux cellules circulantes présentes dans les échantillons prélevés durant la journée. Comme plusieurs autres processus physiologiques (métabolisme, sécrétion d’hormones comme le cortisol et la mélatonine), il semble donc que le processus de métastases soit régi par un rythme circadien, avec un pic d’activité qui se produit durant la nuit.
Le sommeil est important pour combattre le cancer
La découverte que les cellules formant les métastases sont plus actives durant la nuit ne signifie évidemment pas que les femmes atteintes d’un cancer du sein doivent se priver de sommeil. Bien au contraire, il est important de bien dormir, car plusieurs études ont clairement montré que les personnes atteintes de cancer et qui dorment généralement moins de sept heures par nuit sont à risque plus élevé de décès.
C’est surtout en ce qui a trait au traitement du cancer que la découverte d’un rythme circadien gouvernant le processus de métastases peut avoir d’énormes répercussions positives.
Puisque le degré d’agressivité des cellules cancéreuses circulantes varie dans le temps, on peut penser que le moment où est administré un médicament anticancéreux aura un impact considérable sur son efficacité.
Ainsi, étant donné que le pic d’acti-vité métastatique semble être le plus élevé durant la nuit, un traitement effectué dans cette fenêtre de temps pourrait augmenter les probabilités de détruire les cellules tumorales au moment où elles présentent le plus de danger pour le corps.
♦ (1) Diamantopoulou Z et coll. The metastatic spread of breast cancer accelerates during sleep. Nature, publié le 22 juin 2022.