Analyse. Si louables qu’ils soient, les gros titres sur le changement climatique – les « mégatitres », pourrait-on dire –, dégainés dès que s’enflamment quelques arpents, ont l’inconvénient d’occulter un élément important du débat sur les incendies : la dimension économique. A court terme, prévenir et lutter contre les feux est avant tout une affaire de gros sous. Il y aurait moyen de limiter l’impact des incendies à condition d’y mettre le prix.
A long terme, il est clair que l’élévation des températures est responsable de l’intensification des incendies et de l’apparition des mégafeux, ces brasiers qui dévastent plus de 10 000 hectares et échappent au contrôle des pompiers. Pas besoin d’être climatologue pour comprendre que plus le bois est sec, plus il s’enflamme facilement.
Même aux Etats-Unis, la plupart des médias ont mis sans ambiguïté le changement climatique au premier rang des responsables du dernier incendie en Californie, l’« Oak Fire », apparu le 22 juillet aux abords du parc de Yosemite. Un foyer relativement modeste (8 000 hectares), comparé à ce qui est devenu la norme dans le Golden State, mais qui, ayant coïncidé avec une canicule exceptionnelle sur la Côte est – où sont situées les principales chaînes de télévision –, a été vu comme la manifestation d’un pays en feu.
Des causes humaines à 95 %
Une fois posé le rôle du climat, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les incendies ont aussi des causes très immédiates qui tiennent aux forces économiques. En Californie, par exemple. Selon Cal Fire, l’agence californienne de lutte contre les incendies, les départs de feux sont à 95 % d’origine humaine. A elle seule, la compagnie électrique PG&E a été reconnue coupable de plusieurs incendies depuis 2015 : du plus meurtrier, le « Camp Fire » de 2018, qui a réduit en cendres la commune de Paradise, entraînant la mort de 85 personnes, au gigantesque « Dixie Fire », de 2021, qui a dévasté 405 000 hectares. A chaque fois, des étincelles sous des lignes mal entretenues ont provoqué le départ du feu (dans le cas du « Dixie Fire », un arbre mort est tombé sur un pylône ; l’enquête a montré qu’il aurait dû être déblayé depuis treize ans).
La justice a condamné PG&E à plusieurs reprises à débroussailler. La compagnie traîne les pieds pour sauver sa marge bénéficiaire. Pourquoi les lignes ne sont-elles pas enterrées comme c’est le cas en Europe ? Cela aurait coûté trop cher aux capitalistes de l’époque de l’électrification…
PG&E a commencé à enterrer quelques lignes. Depuis deux ans, l’entreprise a aussi déployé une stratégie imparable, et qui ne coûte rien : elle coupe le courant aux abonnés quand les vents sont trop violents. Cela ne l’a pas empêchée en 2021 de facturer un supplément « changement climatique » aux consommateurs pour financer les compensations qu’elle a été obligée de verser aux victimes des incendies qu’elle avait provoqués. Le climat a bon dos…
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