Alors que les incendies continuent de faire rage et que la France attend une aide de ses voisins européens, Gérald Darmanin a lancé, mercredi 10 août, « un appel solennel » à l’attention des entreprises et administrations, pour qu’« ils libèrent leurs salariés qui sont sapeurs-pompiers volontaires », afin que ces derniers puissent « rejoindre au plus vite leurs casernes ». « Notre pays a besoin d’eux devant des feux d’une gravité exceptionnelle » a insisté le ministre de l’intérieur, en déplacement à Mostuéjouls (Aveyron), un village évacué la nuit précédente en raison d’un incendie.
Rien de moins qu’un « effort de guerre » demandé, selon les Sapeurs-Pompiers de France tant « le besoin est crucial ».
« Appel reçu 5/5 », a écrit sur son compte Twitter le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, assurant que « les entreprises en font un devoir ». François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a lui « relayé l’appel du gouvernement pour faciliter la mise à disposition de pompiers volontaires présents dans les entreprises en activité ».
Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, a aussi répondu favorablement à l’appel, assurant que « les agents des services et des lycées de [la région] qui sont pompiers volontaires seront mis à la disposition de leurs casernes ».
Près de 200 000 pompiers volontaires
La France comptait en 2020 un peu moins de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, pouvant être mobilisés sur leur temps de travail dans le cadre de « missions opérationnelles concernant les secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes et leur évacuation, ainsi que la protection des personnes, des biens et de l’environnement, en cas de péril », énumère le code de la sécurité intérieure.
En pratique, l’accord de l’employeur est nécessaire et il peut refuser l’absence du salarié « lorsque les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ou du service public s’y opposent ». Un argument avancé en période estivale, en cas de sous-effectif, ou dans les petites entreprises, où une absence peut mettre en péril l’activité. Jeudi soir, EDF a à son tour annoncé répondre à l’appel du gouvernement, tout en précisant « libérer l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires d’EDF et d’Enedis non indispensables à la production et à la continuité de la fourniture d’électricité ».
Convention nationale en soutien au volontariat
En France, de nombreuses entreprises parmi lesquelles Bouygues, Carrefour, Décathlon, mais également Hermès, La Poste ou L’Oréal, ainsi que des ministères comme celui des armées ou de l’éducation nationale, ont signé une convention nationale en soutien au volontariat, sous l’égide de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, la structure du gouvernement français responsable des risques en France, dont les incendies.
Orange a signé cette convention en janvier 2021. Elle permet, entre autres, aux 135 pompiers volontaires qu’elle compte parmi ses 72 000 salariés, de profiter de quinze jours d’absence par an, en plus de leurs congés payés, rémunérés à 100 %.
Depuis jeudi, « le dispositif permet d’aller exceptionnellement au-delà des quinze jours autorisés en fonction des besoins des prochaines semaines », explique Gervais Pellissier, directeur général délégué en charge des ressources humaines du groupe.
« Le bouche-à-oreille permet de susciter des vocations »
Salarié à Orange, Jacques Darthenay, 57 ans, est rentré en début de semaine de Landiras (Gironde), après dix jours passés à lutter contre les incendies. Celui qui côtoie les flammes depuis plus de 40 ans l’assure : « les incendies et l’engagement comme pompier volontaire sont devenus des sujets de conversation avec mes collègues. L’un d’entre eux vient de s’engager à suivre une formation. Le bouche-à-oreille permet de susciter des vocations. »
De son côté, GRDF compte 138 sapeurs-pompiers volontaires dans son effectif. Ces derniers sont souvent des techniciens du gaz, qui font des astreintes pour sécuriser le réseau et qui, par conséquent, travaillent déjà aux côtés des pompiers en temps normal. La société de distribution de gaz rémunère ses salariés partis en mission, quelle que soit sa durée – face à la recrudescence des incendies, le plafond de quinze jours annuels a finalement été supprimé « durant tout le mois d’août ».
Chez Carrefour, le PDG, Alexandre Bompard, assurant que son groupe est « fier de compter dans ses rangs des pompiers volontaires », a demandé « à chaque directeur de magasin et entrepôt de libérer de leurs obligations professionnelles nos collègues qui peuvent partir en renfort ». Aussi, « les directeurs de magasins ont rapidement reçu un document permettant d’afficher l’information dans leur établissement afin que les salariés puissent se manifester s’ils le souhaitent », a expliqué au Monde le groupe de grande distribution.
Selon Carrefour, deux employés d’un hypermarché de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) se sont ainsi signalés et doivent être mobilisés dans les prochains jours – tout en restant rémunérés. « Ce sont des gens qui peuvent être appelés toute l’année, les directeurs de magasin ont l’habitude », souligne l’enseigne.