Le pouvoir de bâtir et de détruire appartient aux tsars. Les liens entre Milan et Moscou remontent à la Renaissance. N’est-ce pas l’architecte Pietro Antonio Solari qui a construit la fameuse tour de l’horloge du Kremlin, en 1491, à la demande d’Ivan III, le premier tsar de Russie ? Lorsque le journaliste américain Alan Friedman, l’un des meilleurs connaisseurs de l’Italie contemporaine, à la fois biographe des Agnelli et de Berlusconi, s’est rendu sur la Place rouge en 2014, il ne s’attendait pas à un tel mélange de luxe et d’architecture néoclassique : frises dorées, poignées en or ciselées, lustres en cristal, tapisseries de prix… L’entrée de Vladimir Poutine dans la Salle de la cheminée, au coeur du Kremlin, lui fit l’effet d’une décharge électrique. Le chasseur d’ours accueille l’ancien correspondant du « Financial Times » en Italie avec un zeste de froideur. Très vite, il se détend. Parler de son ami Silvio est un plaisir. Presque un devoir…
« Berlusconi est l’homme politique qui est resté au pouvoir le plus longtemps dans l’histoire italienne de l’après-guerre […]. Entre nous, il y a une relation personnelle qui s’est établie, une relation très cordiale », lâche le nouveau tsar en jouant avec le fil de son oreillette (1). Il ne tarit pas d’éloges sur son ami Silvio «qui occupera une place parfaitement respectable dans l’histoire italienne ». Comment oublier ces scènes mémorables, où les deux compères, hilares, se disputaient le micro, en bras de chemise, sur la Costa Smeralda, dans la luxueuse villa de Porto Rotondo, en Sardaigne, en 2003. Ou se livraient à des concours de chapkas improvisés, à l’occasion de la signature d’importants contrats gaziers… Vingt ans plus tard, le temps de l’insouciance et des effusions est révolu. Le « Cavaliere » n’a-t-il pas, prudemment, renoncé à briguer la présidence de la République italienne , en janvier 2022, au moment même où son « ami » Vladimir préparait l’invasion de l’Ukraine ?