Comme si les difficultés qui s’abattent sur les entreprises ne suffisaient pas… A la flambée des prix de l’électricité et du gaz, à la pénurie de semi-conducteurs et aux tensions sur plusieurs matières premières s’ajoute une menace, plus lointaine mais inquiétante : une raréfaction de l’eau. La sécheresse de ces dernières semaines vient de rappeler aux entreprises que, si elles peuvent puiser dans cette ressource, elles ont aussi le devoir d’en faire un usage rigoureux.
L’industrie française consomme 2,5 milliards de mètres cubes par an, soit 8 % du total des prélèvements dans les nappes phréatiques et les cours d’eau. Le gouvernement n’a enregistré aucune remontée d’entreprises privées d’eau, même s’il a dû imposer des restrictions dans certaines zones au plus fort de la sécheresse. Toutefois, plusieurs secteurs particulièrement consommateurs sont exposés au risque de futures pénuries, selon le ministère de la transition écologique : l’industrie chimique (pétrochimie, phytosanitaire, pharmacie…), qui représente de 25 % à 30 % des prélèvements, les papetiers (10 %) et l’agroalimentaire (8 %), notamment les produits laitiers et les brasseurs.
Cette situation encore sous contrôle ne durera pas. EDF rencontre déjà des difficultés récurrentes pour refroidir les réacteurs nucléaires implantés au bord du Rhône, de la Loire, de la Garonne et de la Moselle. Les armateurs fluviaux ont dû composer avec la baisse du niveau d’eau du Rhin et de grands canaux. Une étude prospective du Bureau de recherches géologiques et minières intitulée « Explore 2070 » et datée de 2012 prévoit une diminution significative de la recharge des nappes par rapport à la période 1961-1990 (de 10 % à 25 %) et de celle du débit moyen annuel des cours d’eau, qui pourrait se réduire de 10 % à 40 %. L’artère industrielle majeure Paris-Rouen-Le Havre serait très touchée (chute de 20 % du débit de la Seine), comme la Garonne et ses affluents.
« Les entreprises découvrent que l’Hexagone évolue vers un climat semi-aride », constate Franck Galland, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et auteur de Guerre et eau (Robert Laffont, 2021, 180 pages, 18 euros). « Dans vingt ans, il y aura de 10 % à 20 % de moins d’eau en surface ou dans les nappes. Comme on réduit l’empreinte carbone, il faut réduire l’empreinte hydrique. »
« Changer de braquet »
Depuis dix à vingt ans, de grands groupes (PSA, Renault, Michelin, Saint-Gobain, SNCF, Paprec, Colas, Smurfit Kappa…) mettent en place des politiques de l’eau et améliorent leurs procédés, reconnaît la Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels d’eau. Il fallait 15 mètres cubes pour un modèle PSA en 1995, 3,5 mètres cubes vingt ans plus tard ; et 40 mètres cubes pour une tonne de papier en 1990 contre 23 mètres cubes en 2017. Même s’ils restituent plus de 90 % de la ressource à la nature, les industriels ont encore des progrès à faire pour en pomper toujours moins. « Ils vont devoir changer de braquet », prévient M. Galland, par ailleurs consultant auprès d’industriels.
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