Après quatre ans au pouvoir, comment la Coalition avenir Québec (CAQ) s’est-elle débrouillée pour lutter contre les changements climatiques? Si François Legault s’est targué d’avoir le «meilleur bilan de l’histoire» en matière d’environnement, des experts apportent d’importantes nuances. On vous présente quelques bons et mauvais coups du gouvernement.
• À lire aussi: Campagne électorale: qui aura le courage de prioriser la crise climatique?
• À lire aussi: La Fonderie Horne, un enjeu électoral crucial à Rouyn-Noranda
Mauvais coups
Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)
D’un point de vue global, la CAQ arrive en dessous de ses propres objectifs: elleva, vraisemblablement, rater sa cible de réduction d’émissions de GES pour 2030, établie à 37,5% sous le niveau de 1990, même si le gouvernement a adopté une loi l’y contraignant. L’Inventaire québécois des émissions atmosphériques (IQÉA) chiffre plutôt à 2,7% la diminution des émissions de GES par rapport à 1990 en 2019.
Transports
C’est le secteur qui représente la plus grande source d’émissions de GES du Québec – il compte pour 43,3% du bilan, selon l’IQÉA. Et les experts s’entendent pour dire que la stratégie du Québec n’a pas été satisfaisante pour s’attaquer à l’enjeu.
D’un côté, il y a la politique d’électrification des transports, jugée «insuffisante» par les experts puisqu’elle ne réduit pas l’auto solo et ne freine pas pour autant la montée en popularité des gros véhicules polluants.
De l’autre, on a le troisième lien, un nouveau lien autoroutier visant à relier le centre-ville de Québec à la rive-sud, qui vient saper essentiellement tous les efforts climatiques du Québec.
Aménagement du territoire
Contrairement à ce que croit le ministre des Transports, François Bonnardel, la densification urbaine n’est pas une «mode». Le groupe d’experts du climat des Nations Unies (GIEC) la prône comme étant l’une des solutions pour atténuer les effets des changements climatiques et préserver le territoire. Des projets comme le troisième lien vont, justement, à l’encontre de ce principe et favorisent plutôt l’étalement urbain.
Bons coups
Fin de l’exploration et de la production d’hydrocarbures
Le gouvernement a adopté une loi qui met fin aux activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures au Québec en avril dernier. C’est le premier État en Amérique du Nord à le faire.
La loi prévoit cependant un dédommagement de 100 millions pour les pétrolières et gazières qui détiennent des permis. Il faut savoir qu’il n’y avait plus de travaux d’exploration d’hydrocarbures dans la province depuis 2011.
Protection du territoire
Depuis la fin de 2020, Québec protège 17% de son territoire terrestre et d’eau douce afin d’y assurer la conservation de la biodiversité et des écosystèmes.
Un bémol: les aires protégées sont toutes situées au nord du 49e parallèle, soit dans des régions où il n’y a à peu près pas d’activité humaine. Le ministre de l’Environnement Benoit Charette avait promis un investissement de 45 millions de dollars sur trois ans pour ajouter des terrains dans le sud de la province.
Élargissement de la consigne
La réforme prévoit que tous les contenants de verre – y compris les bouteilles de vin et de spiritueux –, de plastique ou de métal de 100 ml à 2 litres pourront faire l’objet d’une consigne allant de 10 sous à 25 sous.
Cependant, l’application de l’élargissement de la consigne a été repoussée à maintes reprises, notamment à cause de la pandémie. Elle devrait entrer en vigueur au printemps 2023.
Si certains groupes environnementaux, comme Équiterre, voient d’un bon œil cette mesure, les centres de tri, eux, affirment qu’elle est inutile puisque le Québec traite déjà suffisamment bien la matière.
L’avis de quatre observateurs
Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada
«La CAQ a certes fait des progrès, surtout quand on compare [son bilan] à ses engagements initiaux, qui étaient inexistants. Cela dit, c’est nettement insuffisant, surtout quand on compare à la juste part du Québec dans les efforts mondiaux pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C [par rapport à l’ère préindustrielle].»
Sylvain Gaudreault, ex-député de Jonquière et porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement
«Il y a des pas dans la bonne direction qui ont été faits, mais qui sont clairement insuffisants. Mais surtout, il y a un manque de prise de conscience au plus haut sommet de l’État de l’urgence de la situation. Si ça n’avait pas été du troisième lien, j’aurais pu donner la note de passage, mais ce projet vient effacer tout le reste.»
Charles Séguin, professeur au Département des sciences économiques de l’UQAM
«Le gouvernement a réalisé des progrès modérés. Ce n’est pas la révolution, ce n’est pas le coup de circuit, mais ce n’est pas un énorme recul.»
Alexandre Gajevic Sayegh, professeur adjoint au Département de science politique de l’Université Laval
«Il y a eu des efforts, mais aussi un certain manque de vision et de cohérence qu’il est important de souligner. C’est vrai que les attentes étaient basses, car la CAQ n’avait pas fait campagne sur l’environnement et n’avait pas vraiment de plateforme. La barre était aussi basse par rapport aux gouvernements précédents qui, de manière historique, ont fait très, très peu pour l’environnement. Il faut évaluer par rapport à ce qui doit être fait pour régler la crise climatique et c’est là où on voit qu’il y a des failles.»