Le cerveau est un fragile amas de cellules, il ne reste donc des néandertaliens que des crânes vides : impossible de savoir directement comment était faite leur cervelle et comment notre matière grise d’humain moderne s’en distingue. Mais des chercheurs des instituts Max-Planck, en Allemagne, ont identifié une différence entre notre génome et celui de Neandertal qui pourrait être un indice de capacités cognitives accrues par rapport à notre cousin disparu. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue Science.
« En 2014, Svante Paabo [Institut Max-Planck, Leipzig], avec qui nous avons collaboré, a publié la séquence complète du génome d’une néandertalienne de Sibérie, dans lequel un gène avait été identifié comme candidat possible pour expliquer un développement cérébral différent de celui d’Homo sapiens », retrace Wieland Huttner (Institut Max-Planck, Dresde), spécialiste du cerveau humain et dernier auteur de cette nouvelle étude. Ce gène est responsable de la production d’une protéine – nommée TKTL1 – présentant une seule différence entre ces deux espèces du genre Homo : dans la chaîne d’acides aminés qui constituent TKTL1, une lysine, présente chez Neandertal, a été remplacée, chez sapiens, par une arginine.
Une mutation certes ponctuelle mais dont les conséquences ne sont pas à minimiser. Déjà, en 2020, l’équipe de Wieland Huttner avait publié le cas d’un autre gène qui ne présentait qu’un seul changement entre les espèces du genre Homo et les primates non humains. Or, cette simple variation protéique a permis d’expliquer la différence de taille entre les cerveaux humains, plus gros que ceux enfermés dans les crânes simiesques.
Une production décuplée de neurones
Néanmoins, même s’ils ont des cerveaux de taille comparable, sapiens et Neandertal n’ont peut-être pas des capacités cognitives similaires. En effet, la protéine TKTL1 est particulièrement abondante dans la partie frontale du néocortex cérébral, aussi appelé plus communément « matière grise ». Et d’après les résultats obtenus par l’équipe allemande, la mutation observée chez TKTL1 favoriserait une production décuplée de neurones lors du développement de notre cerveau.
Plus précisément, la protéine jouerait un rôle dans les voies métaboliques à l’origine des cellules progénitrices neurales, des cellules qui, en se divisant, forment les neurones. « Il y a notamment deux classes de cellules progénitrices : les cellules intermédiaires et les cellules gliales radiales, détaille Anneline Pinson, postdoctorante et première autrice de l’étude. Alors que les premières ne se divisent qu’une fois pour conduire à deux neurones, les secondes se divisent de manière asymétrique en un neurone et une nouvelle cellule progénitrice. Elles prolifèrent ainsi pendant plusieurs cycles et permettent de produire beaucoup plus de neurones. »
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