Aux Etats-Unis, des parents d’élèves et des enseignants, épaulés par des figures politiques conservatrices, fondent des groupes Facebook pour faire pression sur les écoles afin qu’elles interdisent des livres qu’ils jugent innapropriés.
Des groupes Facebook conservateurs cherchent à faire retirer certains livres des bibliothèques scolaires ou leur suppression pure et simple en raison de leur caractère “inapproprié” ou “obscène”, relève le MIT Technology Review.
Ces groupes sont composés en grande partie de parents d’élèves, mais aussi d’enseignants et de personnalités politiques conservatrices. A l’image de LaVerna in the Library qui compte 2800 membres sur Facebook, et publie des captures d’écran de passages “offensants” de livres pour enfants. Sur son site, l’organisation explique comment en 5 étapes les parents peuvent se mobiliser. Une fois que les membres ont rejoint le groupe, une vidéo explique la manière de rechercher les livres “sexuellement explicites” dans la bibliothèque d’une école. Il s’agit ensuite de les signaler à l’équipe pédagogique et les faire retirer des rayons.
Dans d’autres groupes comme Safe Library Books for Kids fondé dans l’Etat de l’Arkansas, compte 2000 membres sur le groupe Facebook. Les parents échangent des conseils sur la recherche des contenus qu’ils pourraient désapprouver, par exemple en ciblant les romans de passage à l’âge adulte et en trouvant des mots spécifiques. Ils publient ensuite leur trouvaille.
Facebook, mobilisateur
Le la même façon, le site BookLook, rassemble des parents volontaires pour évaluer et critiquer des livres pour enfants. Les livres sont notés sur une échelle de 0 à 5, 0 correspondant à un contenu accessible à tous et 5 à un contenu “aberrant”, notamment des agressions sexuelles et des coups et blessures.
“Notre groupe a été formé à l’origine en tant que comité des livres de bibliothèque de Moms For Liberty”, explique le site. “Nous étions très préoccupées par ce qui se passe dans nos bibliothèques scolaires et avons décidé de contester les livres inappropriés. Tout d’abord, nous nous attaquons au porno dans les bibliothèques scolaires, mais le rapport sur les livres est conçu pour documenter tout livre controversé/inapproprié pour une utilisation future ou comme ressource parentale”.
Une fois la liste transmise à la commission scolaire, le site publie des “rapports” sur son groupe Facebook. “Cela attire l’attention sur le groupe Facebook et incite les gens à s’indigner. Certains parents iront eux-mêmes plus loin et iront parler à leur directeur ou au bibliothécaire de leur école. Cela met la pression sur les écoles pour qu’elles prennent au moins en considération un livre contesté avant même que le conseil d’administration de l’école puisse demander à chaque école d’examiner les livres. Il est possible que le livre soit retiré, même temporairement, par le bibliothécaire, ce qui accélère l’objectif de retrait permanent”, précise ensuite le site.
Et ces groupes sont influents. A l’image du groupe Utah Parents United qui a joué un rôle déterminant dans la mise en place du système actuel dans l’État de l’Utah.
Soutiens politiques
Les militants conservateurs ont de plus en plus de poids dans le débat pour décider des livres se trouvent sur les étagères des écoles. Les districts du Texas ont commencé à exiger l’approbation des parents pour les livres; dans l’Utah, les parents ont non seulement le pouvoir de contrôler les livres que leur enfant emprunte, mais ils ont également le même statut que les éducateurs pour contester et examiner les livres avant de les inclure dans la bibliothèque. Par exemple, dans le comté de Tarrant, au Texas, 41 livres ont récemment été retirés après des pressions exercées par des groupes de parents sur Facebook.
Les groupes conservateurs actifs peuvent compter sur le soutien d’élus conservateurs comme Matt Krause, membre républicain de l’assemblée législative du Texas. En octobre 2021, il a créé un document qui recensent 850 livres concernés par un projet de loi qui interdit l’enseignement de matériels qui conduiraient “un individu [à ressentir] de la gêne, de la culpabilité, de l’angoisse ou toute autre forme de détresse psychologique en raison de sa race ou de son sexe”. Les livres de la liste traitent de la sexualité, du racisme et de l’histoire des États-Unis. Ce document est devenu un modèle pour les groupes conservateurs, qui l’ont adopté comme guide pour contester les livres dans les écoles, et dans certains cas, les retirer avec succès.
Matt Krause a également envoyé une lettre à tous les directeurs d’établissement de l’Etat leur demandant de retirer des livres des bibliothèques et des salles de classe s’ils sont centrés sur des questions allant de l’identité transgenre à la théorie de la race.
La riposte s’organise
La riposte passe aussi par les réseaux sociaux, et les débats se font à coups de tweets ou de publications sur Facebook. Une organisation opposée à ces groupes conservateurs, le Florida Freedom to Read Project, affirme que les systèmes d’évaluation comme celui de BookLook ne tiennent pas compte du fait que les enseignants et les bibliothécaires sont, eux, spécifiquement formés pour recommander ou non des livres.
“Les parents d’élèves qui se concentrent uniquement sur les sujets controversés dans le but de limiter l’accès aux livres avec lesquels ils ne sont pas d’accord reflètent un parti pris qui ne tient pas compte des besoins des diverses familles et personnes desservies par les écoles et les bibliothèques publiques”, a déclaré Deborah Caldwell-Stone, directrice de l’Office pour la liberté intellectuelle de l’American Library Association, dans un communiqué.