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Perdus, apeurés et entourés de déchets : c’est ainsi qu’apparaissent Monga, César et Hussein dans une vidéo mise en ligne sur Twitter, dimanche 25 septembre. Une preuve de vie diffusée par leurs ravisseurs. Les trois bébés chimpanzés ont été kidnappés par des inconnus dans la nuit du 9 septembre dans un sanctuaire animalier de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC).
« Les malfaiteurs ont tout de suite envoyé une note vocale pour menacer notre famille et demander une rançon colossale à six chiffres », raconte Franck Chantereau, le fondateur de ce centre qui a recueilli une soixantaine de primates depuis sa fondation il y a seize ans. Outre Monga, César et Hussein, Franck Chantereau avait sauvé deux autres chimpanzés depuis le début de l’année qu’il a retrouvés cachés dans la cuisine après le kidnapping. L’identité des ravisseurs est inconnue. Les cadenas n’ont pas été forcés lors de l’enlèvement, posant des questions sur la complicité de personnes collaborant avec le centre.
Nommé JACK (Jeunes animaux confisqués au Katanga), le sanctuaire a déjà été la cible de plusieurs attaques. Les locaux ont été incendiés à deux reprises, en 2006 et 2015. « Quand on lutte contre le braconnage, on dérange un réseau mafieux très organisé », précise le Lyonnais, installé en RDC depuis 1994.
Souvent chassés et tués pour leur viande, quelque 2 000 chimpanzés sont aussi victimes chaque année du commerce international illégal selon le Jane Goodall Institute, une organisation de protection de la vie sauvage basée aux Etats-Unis. Ces animaux, souvent originaires de pays d’Afrique de l’Ouest ou centrale dont la RDC, sont envoyés vers le Moyen-Orient et la Chine, en passant par Le Caire, véritable plaque tournante du trafic. Sur le marché noir, les bébés chimpanzés sont des animaux de compagnie prisés – bien qu’illicites – et peuvent être vendus pour plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Une situation sécuritaire très instable
« Mais c’est la première fois qu’on les enlève contre rançon », s’inquiète Franck Chantereau. Les kidnappings ciblant des êtres humains sont en revanche fréquemment pratiqués en RDC par les groupes armés comme moyen de financement, notamment dans l’est du pays. Entre mars 2017 et mars 2020, au moins 170 personnes ont été prises en otage à proximité du parc national des Virunga (est), selon Human Rights Watch.
Les membres des nombreuses milices ou de groupes armés opérant dans le pays, souvent réfugiés dans les forêts congolaises, alimentent également le trafic de bois qui accélère la déforestation et réduit l’habitat naturel des chimpanzés. Leur présence complique la réintroduction dans son milieu de cette espèce en danger d’extinction. « La situation sécuritaire est tellement instable que depuis l’ouverture de notre structure en 2002, aucun chimpanzé n’a pu retourner vivre dans les parcs nationaux », déplore ainsi Sylvestre Lubaku, l’un des responsables du centre de réhabilitation de primates de Lwiro (CRPL), basé dans la province du Sud-Kivu.
La population de singes a considérablement baissé ces dernières décennies en RDC, l’une des principales réserves mondiales de primates, comme à l’échelle de la planète. Il resterait entre 171 000 et 300 000 chimpanzés dans le monde aujourd’hui contre 2 millions au début du XXe siècle, selon le WWF.