La forêt Pando est considérée comme le plus large organisme vivant sur Terre : il s’agit d’un seul et même arbre qui se clone à l’infini depuis 10.000 ans. Or, celui-ci est en train de dépérir à cause d’un déséquilibre causé par l’humain : le manque de prédateurs !
C’est en Utah, aux États-Unis, que se trouve une famille de clones aux dimensions hors normes : la forêt Pando, composée uniquement d’arbres aspens (aussi appelés trembles) s’étale sur 43 hectares, rien d’anormal à première vue. Excepté qu’il s’agit d’un seul et même organisme, et jusqu’à preuve du contraire, le plus grand organisme vivant sur Terre. Cet organisme est composé de 40.000 arbres tous connectés les uns aux autres, voilà pourquoi on l’appelle « une forêt d’un seul arbre » (one tree forest en anglais).
Cette forêt possède un seul système de racines reliant tous les arbres, et ceux-ci ont eu une génétique complètement identique. On retrouve ce type de forêts de clones dans de nombreux endroits du grand ouest américain, mais celui de l’Utah est le plus grand répertorié à ce jour. Il s’agit donc d’un seul individu, avec un système de racines auxquels sont rattachés des clones : un peu comme les branches se trouvant sur un même arbre, toutefois, dans ce cas, il s’agit d’autres arbres.
Il a été découvert dans les années 1970 et ce sont des tests génétiques qui ont permis de conclure qu’il s’agissait en fait d’un seul et même arbre démultiplié par milliers. Si chaque aspen est capable de vivre une centaine d’année, l’âge de son système de racines est estimé à environ 10.000 ans, si ce n’est 80.000 ans selon certaines études : cela signifie que le même arbre se démultiplie depuis au moins 10.000 ans sur cette zone.
L’arbre a besoin de prédateurs pour se régénérer
Mais des chercheurs de l’Université d’Utah ont constaté des signes d’affaiblissement de l’organisme : celui-ci ne se renouvèle plus et commence à se détériorer à cause des herbivores qui dévorent les petites pousses. En 2018, 50 % de cette forêt de clones a été protégée par des clôtures. L’idée était de la protéger des daims en particulier, et du bétail dans une moindre mesure, qui ont une forte attirance pour les plus jeunes pousses. Mais quatre ans plus tard, en 2022, les chercheurs de l’Université d’Utah ont constaté que l’organisme continuait à se dégrader et était même en train de se séparer en trois entités différentes, lui faisant perdre son caractère unique.
Or, la présence de daims n’a rien de nouveau dans cette forêt de clones. En revanche, ce qui a changé, c’est la disparition des prédateurs, éliminés en grande partie par l’humain : les loups et les ours en particulier. « Ce qui arrive à cette forêt est une catastrophe écologique, mais de petite échelle », admet l’Université d’Utah. Cependant, la détérioration de cette zone naturelle représente parfaitement ce qui se passe ailleurs, avec un déséquilibre écologique lié à la disparition des prédateurs.
Les aspens font partie des espèces clés sur lesquelles repose une grande partie de la biodiversité. Le manque de régénération des forêts d’aspens permet à la lumière du soleil de davantage passer à travers la végétation, brûlant les espèces végétales qui sont conçues pour rester à l’ombre. La disparition de ces espèces végétales entraîne celle des insectes qui vivent dedans qui, à leur tour, sont censés nourrir d’autres animaux. Dans la forêt Pando, la différence est nette entre la partie clôturée, qui continue sa progression, et la partie non clôturée, qui dépérit.
Pour les chercheurs de l’Université d’Utah, il est hors de question de continuer à clôturer, mais il est nécessaire de réintroduire l’équilibre animal-végétal en redonnant leur place aux prédateurs.