Le prix Nobel de physique a été décerné mardi à trois physiciens pour leurs découvertes sur l’intrication quantique, un phénomène dans lequel deux particules sont corrélées quelle que soit la distance les séparant.
Le prix Nobel de physique a été décerné mardi au Français Alain Aspect, à l’Américain John Clauser et à l’Autrichien Anton Zeilinger, pour leurs travaux sur les mécanismes de la physique quantique.
Plus précisément, le trio de physiciens a été récompensé pour ses découvertes sur “l’intrication quantique”, un phénomène dans lequel deux particules quantiques sont parfaitement corrélées, quelle que soit la distance qui les sépare.
Pour expliquer ce phénomène, Chris Phillips, physicien à l’Imperial College de Londres, prend l’exemple d’un photon, une particule de lumière. En le faisant passer à travers un cristal spécial, il en sort deux photons.
“Ils n’ont pas la même couleur que celui de départ, mais comme ils sont issus d’un même photon, ils sont enchevêtrés”, dit-il à l’AFP.
Les deux particules enchevêtrées se comportent de manière identique, comme reliées par un fil invisible. La mesure des propriétés que l’on effectue sur l’un, en l’examinant, affecte instantanément l’autre, quelle que doit la distance qui les sépare.
Découverte il y a 40 ans
Un photon est un quantum, une quantité déterminée d’énergie électromagnétique. Alain Aspect a découvert dès 1982 que deux photons peuvent se comporter comme un système quantique unique, même s’ils sont à distance.
Cette avancée a “ouvert la voie au domaine des nouvelles technologies quantiques, qui révolutionnent aujourd’hui le traitement et la communication de l’information”, selon le CNRS. L’application de cette découverte aux ordinateurs, pour créer des outils surpuissants, n’est toutefois pas encore proche, a précisé ce mardi Alain Aspect lors d’une conférence de presse.
Même Albert Einstein, un des fondateurs de la théorie quantique, n’y croyait pas, estimant qu’une telle instantanéité n’était pas possible.
“J’aime à dire qu’un grand mérite revient à Einstein d’avoir soulevé la question” de la non-localité, un des fondements de l’intrication, a déclaré ce mardi Alain Aspect.
Ses co-lauréats du Nobel de physique, l’Autrichien Anton Zeilinger et l’Américain John Clauser, ont eux aussi testé cette théorie, nommée théorème de Bell, et exclu toute autre explication à celle de la non-localité. Leurs travaux ont ouvert la voie à ce qu’on appelle la “deuxième révolution quantique”.
Les découvertes de Zeilinger, qualifié de “pape du quantique”, ont montré le potentiel applicatif de l’intrication dans les communications chiffrées, la téléportation quantique et ainsi de suite.
Chris Phillips, pour sa part, a développé un instrument, de la taille d’une chaîne haute-fidélité, qui utilise l’intrication quantique pour diagnostiquer des cancers du sein.
Une particule dans plusieurs états à la fois
La physique quantique est née au début du XXe siècle. Certains physiciens réalisent alors que la physique classique, qui “décrit parfaitement notre environnement quotidien macroscopique”, devient “inopérante à l’échelle microscopique des atomes et des particules”, explique sur son site le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), un organisme public de recherche.
La physique quantique est donc une théorie physique qui traite du comportement des objets physiques au niveau microscopique (atome, noyau, particules).
La physique quantique s’appuie sur l’idée que certaines variations de grandeur ne sont pas continues, mais correspondent à des multiples d’une quantité minimale. Cette quantité minimale est appelée le quantum.
Le chat de Schrödinger
Le CEA explique aussi que contrairement à la physique classique, la mécanique quantique confond les corpuscules (atome, particule) et les ondes (lumière, électricité) : un électron, une molécule ou un atome sont à la fois onde et corpuscule. Selon le principe de la superposition quantique, une particule peut se trouver dans plusieurs états à la fois.
C’est ce qu’a voulu expliquer le physicien Erwin Schrödinger avec son image du chat en 1935. Il a imaginé un chat enfermé dans une boîte avec une fiole de poison qui s’ouvre à la désintégration d’un atome radioactif. Comme en physique quantique, l’atome peut se trouver dans deux états, désintégré ou non désintégré, on ne peut pas savoir si le chat est vivant ou mort. Ainsi, le chat est dans deux états superposés: mort et vivant.
Dans la physique classique, on dirait que le chat est soit mort, soit vivant. Le chat de Schrödinger illustre donc la difficulté de concilier la physique quantique et la physique classique.