in

Un cimetière caché d’étoiles mortes envelopperait notre Galaxie



Des simulations laissent penser qu’un nombre non négligeable d’étoiles à neutrons et de trous noirs stellaires nés dans le disque ou le bulbe de notre Voie lactée ont été éjectés sur des orbites en dehors de ces structures. Il y aurait donc un monde caché d’étoiles mortes, attendant d’être découvertes, entourant notre Galaxie.

La théorie de la structure et de l’évolution des étoiles dont les bases ont été posées au cours des années 1930 et qui a connu un vigoureux développement au cours des décennies suivantes grâce à l’essor de l’astrophysique nucléaire nous dit que les étoiles contenant plus de huit masses solaires vont finir leur vie en explosant sous forme de supernovae.

Le cœur de ces étoiles doit au moins donner des étoiles à neutrons en s’effondrant gravitationnellement mais si l’explosion n’éjecte pas assez de matière, la masse de l’étoile résiduelle dont le diamètre est de quelques dizaines de kilomètres tout au plus, ne permettra pas à l’étoile à neutrons d’exister de façon stable et elle s’effondrera en donnant un trou noir stellaire — on estime souvent que, pour cela, la masse initiale de l’étoile doit dépasser les 30 masses solaires. Ce scénario a dû se répéter de très nombreuses fois dans notre Galaxie depuis sa naissance il y a plus de 12 milliards d’années.

L’explosion d’une supernova n’est pas symétrique de sorte que l’éjection de matière résultante ne l’est pas non plus et peut parfois conduire à propulser l’astre compact final comme le serait une fusée. Si la vitesse acquise est suffisamment élevée, l’étoile à neutrons ou le trou noir vont finir par quitter le disque de la Voie lactée ou son bulbe central, et finalement son halo, pour partir dans le milieu intergalactique.

La direction dans laquelle ce mouvement va débuter étant aléatoire — et si l’on en reste à des vitesses assez faibles pour que les astres compacts résultant des supernovae de type SN II (avec effondrement gravitationnelle) se retrouvent simplement sur des orbites autour du bulbe central de notre Galaxie —, on peut donc s’attendre à l’existence d’une population d’étoiles mortes enveloppant la Voie lactée.

Une présentation de la découverte de J0002. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard

Des cadavres stellaires fantomatiques

Des trous isolés n’accrétant quasiment pas de matière ne doivent pas être entourés d’un disque d’accrétion rayonnant dans le domaine X et ils ne doivent donc pas être faciles à observer. En fait, on peut penser que seule la détection d’un effet de microlentille gravitationnel permet de le mettre en évidence. On en connait effectivement un exemple avec MOA-2011-BLG-191/OGLE-2011-BLG-0462 et qui concerne un trou noir contenant environ sept masses solaires et dont l’existence a été mise en évidence à l’aide d’observations menées avec les télescopes Hubble et Subaru.

Le cas des étoiles à neutrons est plus favorable car, même en l’absence d’accrétion de matière donnant des rayons X et gamma, une étoile à neutrons se comporte comme une sorte de phare dans le domaine radio et pour autant que son émission collimatée d’ondes électromagnétiques coupe périodiquement la Terre, on peut la détecter avec un radiotélescope en tant que pulsar et c’est d’ailleurs de cette manière que la première a été découverte en 1967 par Jocelyn Bell. On peut citer comme exemple de pulsar de ce type le cas de PSR J0002+6216 situé à environ 6.500 années-lumière du Système solaire dans la Voie lactée quand on regarde en direction de la constellation de Cassiopée.

En fait, la vitesse de J0002 est si exceptionnelle, environ 1.100 kilomètres par seconde soit cinq fois plus que la vitesse moyenne des pulsars connus, que cette étoile à neutrons finira par quitter notre Galaxie, sa vitesse étant supérieure à la vitesse de libération de notre Voie lactée.

40 % des étoiles à neutrons éjectées de la Voie lactée ?

Une équipe d’astronomes, essentiellement de l’Université de Sydney en Australie, a voulu savoir à quoi pouvait ressembler le cimetière d’étoiles mortes éjectées sur de nouvelles orbites qui a dû se former au cours des milliards d’années de l’existence de notre Voie lactée. Les chercheurs ont pour cela conduit des simulations pour essayer de produire théoriquement l’équivalent des répartitions crédibles et attendues des étoiles à neutrons et des trous noirs que l’on pourrait dresser par des observations. Le résultat a été publié dans un article de Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

Ils ont alors obtenu ce qu’ils ont appelé en anglais un Galactic underworld, ce que l’on pourrait traduire en français par « un monde souterrain ». Celui-ci épouse bien la forme de notre Voie lactée mais il l’enveloppe en étant plus diffus au point d’avoir une épaisseur de disque qui a plus que triplé par rapport à celle du disque mince et donc avec une hauteur de 1.260 ± 30 pc (rappelons qu’un parsec, noté pc, vaut environ 3,26 années-lumière et que le disque mince est lui-même enveloppé par le disque épais qui s’en distingue par le fait qu’il n’est quasiment constitué que d’étoiles âgées).

On constate aussi que la structure en spirale de notre Galaxie n’est pas présente dans le Galactic underworld.

Il découle des simulations qu’environ 30 % des étoiles mortes dans la Galaxie l’ont en fait quitté en ayant des vitesses de l’ordre d’un million de kilomètres par heure au moins et errent donc dans le milieu intergalactique. Cela représenterait même environ 40 % de toutes les étoiles à neutrons produites, mais seulement 2 % des trous noirs stellaires, dans toute l’histoire de la Voie lactée. Au total, ce serait donc environ 0,4 % de la masse stellaire de notre Voie lactée qui l’aurait quittée depuis sa naissance.

Le Galactic underworld lui-même représenterait environ 1 % de la masse de notre Galaxie sous forme stellaire. Il ne peut donc pas rendre compte de la matière noire, si elle existe vraiment et que l’on n’a pas besoin de faire intervenir à sa place la théorie MOND.

Enfin, les simulations indiquent des distances probables de 19 et 21 pc du Soleil à l’étoile à neutrons et aux trous noirs les plus proches respectivement.

Une aide à la chasse aux fantômes

Les résultats obtenus devraient aider les chercheurs à savoir où chercher et comment pour mettre en évidence l’existence de ce Galactic underworld. Comme l’expliquait dans un communiqué de l’Université de Sydney Peter Tuthill de l’Institut d’astronomie de Sydney, coauteur de l’article : « L’un des problèmes pour trouver ces objets anciens est que, jusqu’à présent, nous ne savions pas où chercher. Les étoiles à neutrons et les trous noirs les plus anciens ont été créés lorsque la Galaxie était plus jeune et formée différemment, puis soumise à des changements complexes s’étalant sur des milliards d’années. Cela a été une tâche majeure que de modéliser tout cela pour les trouver ».

Et d’ajouter : « Pour moi, l’une des choses les plus cool que nous ayons trouvées dans ce travail est que même le voisinage stellaire local autour de notre Soleil est susceptible d’être traversé par ces visiteurs fantomatiques. Statistiquement, notre vestige le plus proche ne devrait être qu’à 65 années-lumière : plus ou moins dans notre arrière-cour, en termes galactiques ».

Il est intéressant à cet égard de se souvenir que le détecteur de rayons cosmiques AMS a mis en évidence un flux de positrons anormalement élevé dans le Système solaire, flux dont on ne sait pas encore s’il traduit l’existence de la désintégration de particules de matière noire ou au contraire d’une étoile à neutrons proche du Système solaire pas encore découverte car pas sous forme de pulsar ni de source X ou gamma.

What do you think?

Written by Stephanie

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Et si le chien détenait la clef pour soigner les cancers incurables chez l’Homme ?

Au Maroc, les cultivateurs de chanvre placent leurs espoirs dans le cannabis thérapeutique