Le gouvernement met un coup de pression sur TotalEnergies pour écourter le conflit social qui, depuis une semaine, provoque des manques dans ses stations-service. « J’appelle vraiment à la responsabilité les directions et les représentants des salariés de ces entreprises pour que ces négociations salariales (…) aboutissent et ne pénalisent pas les Français », a invité la première ministre Elisabeth Borne, vendredi 7 octobre, à l’issue d’une intervention à Bordeaux, lors de la Convention des intercommunalités de France.
Plus tôt dans la journée, la ministre déléguée aux petites et moyennes entreprises, Olivia Grégoire, avait aussi demandé aux « entreprises concernées, qui, pour la plupart, ont quand même de bons résultats, [de] considérer aussi les demandes d’augmentation de salaires », sur Franceinfo, sans citer nommément le géant pétrolier et ses 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022.
La plus grande raffinerie de TotalEnergies, près du Havre (Seine-Maritime), est à l’arrêt. D’autres sites du groupe sont en grève. Et les deux raffineries françaises de son concurrent américain Esso-ExxonMobil sont aussi à l’arrêt, dans les deux cas à l’appel de la CGT, afin d’obtenir une hausse des salaires. « Nous faisons tout pour que dans les prochains jours cette situation puisse se résorber » et le gouvernement est « en lien avec Total pour essayer de faciliter le dialogue social », a déclaré de son côté le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, sur LCI.
Quatre sites TotalEnergies à l’arrêt ou freinés
Les camions-citernes seront exceptionnellement autorisés à circuler dimanche en raison des « difficultés assez localisées, mais importantes », a annoncé M. Beaune, qui devait réunir vendredi matin les fédérations des transporteurs « pour voir localement où on peut améliorer l’approvisionnement ». Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a également formulé une demande à TotalEnergies sur BFM-TV, en disant que le gouvernement était « extrêmement attentif à ce que ce mouvement social trouve une solution le plus rapidement possible ».
Chez le pétrolier français, outre sa raffinerie de Normandie, les grévistes étaient massivement mobilisés au dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque (Nord), à la « bioraffinerie » de La Mède (Bouches-du-Rhône) et au dépôt de carburants de Grandpuits (Seine-et-Marne) notamment, afin de limiter au maximum la sortie de produits pétroliers, selon la CGT.
La mobilisation était nettement moins importante (10 à 30 % de grévistes) à la raffinerie de Feyzin (Rhône), mais concentrée sur le service stratégique des expéditions, où la CGT revendiquait « entre 80 et 100 % de grévistes », a rapporté à l’Agence France-Presse Pedro Afonso, élu CGT de cette raffinerie.
Activation des stocks stratégiques
Les blocages des grévistes entraînent une baisse des livraisons de carburant, les stations-service sont donc plus souvent en rupture de stocks d’essence ou de diesel, alors que TotalEnergies gère près du tiers des stations françaises. Mais le groupe met aussi les perturbations sur le compte du succès de la remise à la pompe de 20 centimes qu’il accorde depuis le 1er septembre, en complément de la ristourne de l’Etat. Actuellement, 15 % des stations-service sont concernées par un manque d’un ou plusieurs carburants, selon un chiffre cité par plusieurs ministres.
Le comportement de certains automobilistes a poussé l’Etat à interdire la vente et l’achat de carburant dans des jerricans et bidons, notamment dans certains départements des Hauts-de-France. « Ceux qui peuvent attendre un tout petit peu, ne vous ruez pas sur les stations-service parce que ça accroîtra le problème », a demandé M. Beaune lors d’un point presse. Afin d’apaiser la situation, le gouvernement a activé ponctuellement les stocks stratégiques de l’Etat, notamment dans les régions où il y a les plus grosses tensions.
La CGT prête à poursuivre la mobilisation
Depuis la raffinerie de Feyzin, le syndicaliste Pedro Afonso a déploré un « silence radio complet de notre direction, qui ne nous rencontre pas et qui ne veut absolument pas faire avancer les choses ». Alors que la CGT réclame 10 % d’augmentation sur 2022 (7 % pour l’inflation, 3 % pour « le partage de la richesse »), la direction argue qu’elle a octroyé des mesures salariales représentant une augmentation moyenne de 3,5 % en 2022 et renvoie à une séance de négociations prévue le 15 novembre… pour les salaires de 2023.
« S’il faut tenir jusqu’au 15 novembre, il n’y a pas de souci », a prévenu Pedro Alfonso, assurant pouvoir compter sur une importante « caisse de solidarité », créée pour compenser les éventuelles pertes de salaires qu’occasionnerait le conflit pour les grévistes.