Une étude publiée le 19 octobre dans la revue Nature estime que les porteurs de certains gènes ont mieux survécu à la peste noire que les autres. Ils ont transmis ces gènes à leurs descendants, les rendant aussi plus sensibles à certaines maladies auto-immunes.
Une pandémie peut avoir des conséquences des siècles après sa fin. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les scientifiques auteurs d’une étude publiée dans la revue scientifique Nature ce mercredi.
Les auteurs de l’étude ont voulu voir quelles conditions génétiques avaient favorisé la survie à la peste noire. La peste noire, qui a sévi en Europe, en Asie occidentale et en Afrique du Nord au milieu du XIVe siècle, est une maladie infectieuse qui a tué jusqu’à 50% de la population européenne. Des scientifiques ont analysé l’ADN de plus de 200 personnes étant mortes à Londres et au Danemark, peu avant, durant et peu après l’épidémie.
A Londres, les ADN ont été prélevés dans trois cimetières proches les uns des autres, étroitement datés grâce des techniques d’archéologie et des archives historiques. Au Danemark, les ADN provenaient de personnes enterrées dans cinq localités, réparties à travers le pays et ont été datés avec des moyens similaires à ceux de Londres.
Des gènes qui favorisent une survie à la peste
Les résultats ont montré que quatre gènes étaient associés à une survie à la peste noire. Un gène est un fragment d’ADN contenant les informations nécessaires à la production d’une protéine.
“Le taux de mortalité élevé” de la peste noire suggère que les variants génétiques qui conféraient une protection contre l’infection “ont pu faire l’objet d’une forte sélection pendant cette période”, poursuit l’étude.
“En effet, les épidémies de peste quasi décennales survenues au cours des quatre cents années qui ont suivi la deuxième pandémie en Europe ont souvent (mais pas toujours) été associées à des taux de mortalité réduits”, ce qui pourrait être lié à l’adaptation génétique humaine, écrivent les auteurs.
Un gène qui s’est répandu dans la population
Les personnes ayant notamment le gène ERAP2 étant moins touchées par la peste, elles ont transmis ce gène à leurs enfants, développant une meilleure résistance à cette maladie dans la population. L’étude estime que les personnes dotées de ce gène au Moyen-Âge ont eu une chance de survie 40% plus élevée que ceux qui ne l’avaient pas.
Il était présent chez 40% des personnes décédées avant la peste noire à Londres, contre 50% après. Au Danemark, ce changement est encore plus marqué, de 45% à 70%.
Ainsi, “la peste noire a façonné l’évolution des gènes immunitaires”, explique sur Twitter Luis Bruno Barreiro, généticien et coauteur de l’étude.
Cette sélection a toutefois eu d’autres conséquences, qui se répercutent sur la santé de certaines personnes aujourd’hui encore. Le gène ERAP2, qui stimule une réponse immunitaire particulièrement efficace face à la peste et qui s’est donc transmis par la suite, est également “associé à une susceptibilité accrue aux maladies auto-immunes”, selon l’étude.
Posséder le gène ERAP2 est par exemple un facteur de risque pour la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui touche près d’une personne sur 1000 en France, selon l’assurance maladie. Les auteurs de l’étude estiment que cette dernière prouve “le rôle joué par les pandémies passées dans la détermination de la vulnérabilité actuelle aux maladies”.