Ouvrant une dizaine de jours avant la Toussaint et le jour des morts, l’exposition du Muséum de Toulouse consacrée aux momies n’est pas qu’une collection de corps préservés par-delà le trépas, qu’ils viennent d’Egypte ou du désert chilien d’Atacama. C’est avant tout l’occasion pour les visiteurs, quels qu’ils soient, de s’interroger sur leur rapport personnel à la mort et à sa manifestation la plus immédiate, le cadavre.
Dans la plupart des sociétés humaines, la dépouille est cachée, voire escamotée, comme frappée d’un tabou. Parodiant Le Tartuffe de Molière, nous jouons au « Couvrez ce corps que je ne saurais voir, par de pareils objets les âmes sont blessées. » Et, de fait, qu’il termine en cendres dans une urne ou qu’il soit démembré et laissé en pâture aux charognards, ou encore mangé par les proches du défunt lors d’une cérémonie de cannibalisme rituel, le corps charnu finit le plus souvent par disparaître pour, au mieux, devenir squelette.
Cependant, parmi les quelque 100 milliards d’humains qui nous ont précédés, quelques-uns ont gardé, dans leur existence posthume – si l’on peut se permettre l’oxymore –, les apparences et les atours des vivants qu’ils étaient. La chair et la peau sur les os ont chez eux résisté aux escouades de la mort, à ces insectes et à ces bactéries qui provoquent les insoutenables décomposition et putréfaction.
Assurer au défunt une vie éternelle
L’exposition toulousaine narre donc ce roman de la momie, en commençant bien sûr par les momies artificielles, celles que les humains ont créées grâce à un traitement adéquat des cadavres, comme c’était notamment le cas dans l’Egypte antique pour assurer une vie éternelle au défunt – à condition que son comportement moral le lui permette. Une part importante est aussi accordée aux momies des Andes, région où les premières techniques de préservation des corps ont été inventées.
Toutefois, il est d’autres catégories de momie. On en a ainsi des naturelles, quand l’environnement présente des conditions physico-chimiques particulières – sécheresse ou froid extrême, tourbières… Il en est également de scientifiques, et l’on pense en particulier aux écorchés momifiés de l’anatomiste français Honoré Fragonard (1732-1799) ou aux corps savamment embaumés de Lénine et de Mao Zedong.
Pour monter cette exposition d’un genre un peu particulier, le Muséum de Toulouse a dû répondre à une question sensible : que faire pour ne pas heurter le public, même si celui-ci sait à quoi s’attendre ? Car le face-à-face avec un cadavre véritable est sans commune mesure avec le visionnage d’un film de fiction, aussi morbide et sanglant soit-il. Décision a donc été prise d’exposer les restes humains derrière des vitres sans tain accompagnées d’un pictogramme spécifique. C’est seulement par un acte volontaire, en pressant un interrupteur illuminant la momie, que le visiteur s’y confronte. On peut donc choisir d’échapper à la mort, au moins pour cette fois.
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