Les contenus sur la santé mentale explosent sur les réseaux sociaux mais trouver des ressources fiables sur ce sujet n’est pas toujours une mince affaire.
Parler de la santé mentale aux plus jeunes. Voici l’enjeu de nombreux comptes en ligne sur Instagram et TikTok, des plateformes privilégiées par cette tranche d’âge. Mais si les contenus sur la santé mentale cumulent des milliards de vues, ils ne sont pas toujours à la hauteur de l’enjeu sanitaire.
D’autant que le sujet n’est pas toujours facile à aborder. Selon une étude réalisée par TikTok et menée à l’occasion de la journée de la santé mentale le 10 octobre, 36% des jeunes entre 18-24 ans pensent que leurs amis et leur famille les jugeraient s’ils parlaient de santé mentale.
Dans ce cadre, le réseau social a lancé de nouvelles ressources à destination de ses utilisateurs. La plateforme met en avant des ressources fiables via les tags #MentalHealth ou #StressRelief et fait collaborer des experts et des créateurs de contenus. Le but est d’inciter ces derniers à parler de la santé mentale de manière responsable.
”Nous espérons qu’en développant un vocabulaire et une compréhension des sujets liés à la santé mentale, notre communauté sera en mesure de commencer à en parler”, explique TikTok dans un communiqué.
Pour faire face au flux de contenus, voici cinq comptes qui parlent de santé mentale de manière sérieuse et sourcée.
Musae, le média sur la santé mentale
“Les contenus qui abordent la santé de manière anxiogène ne sont généralement pas fiables”, observe Christelle Tissot, fondatrice du média Musae Tomorrow, interrogée par Tech&Co.
“Ces publications culpabilisent celles et ceux qui les regardent et restent dans le champ du performatif: on doit être bien dans ses baskets, en permanence. Être exposé à ces contenus au quotidien, être enfermé dans les algorithmes qui nous poussent à regarder toujours les mêmes choses, n’est pas sain”, poursuit-elle.
Lancé en mars 2021, Musae Tomorrow aborde la question de la santé mentale de manière “à dédramatiser et à démocratiser” le sujet. Très présent sur Instagram, le média est apparu il y a peu sur TikTok. “On voit que TikTok est bien plus sensible à ce genre de contenu qu’Instagram” pointe la fondatrice.
Musae, qui est aussi un podcast, souhaite donner une tonalité positive au sujet de la santé mentale. “Il s’agit avant tout d’en parler librement, de donner des clés de compréhension et des ressources fiables”, explique Christelle Tissot. Le compte de Musae publie à la fois des informations liées à l’actualité sur la santé mentale, des témoignages de personnalités et de personnes plus anonymes, des échanges avec des psychologues et des liens vers des ressources fiables comme des associations.
Dr Julie Smith, l’approche pédagogique
Sur TikTok, le Dr Julie Smith est suivie par 4 millions de personnes. Elle est psychologue clinicienne et a travaillé dix ans dans l’hôpital public britannique. En février dernier, interviewée par The Guardian, elle soulignait le fait que ses “vidéos ont pour but de rappeler aux gens que ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux n’est pas toujours réel. De faire attention à ce qu’ils ressentent lorsqu’ils passent du temps sur certains contenus.” Il s’agit de reprendre le contrôle de l’usage des réseaux sociaux.
Sur son compte, elle aborde de manière très pédagogique (mais en anglais) et visuelle la question de la santé mentale. Elle utilise des grains de riz pour illustrer la proportion de personnes qui connait le terme de santé mentale, elle use de colorants dans un verre d’eau pour représenter les pensées négatives et même un aquarium fictif pour expliquer ce qu’est un environnement social toxique. Au Guardian, elle tient aussi à rappeler que ses vidéos ne remplacent pas un rendez-vous avec un psychologue.
“Il faut essayer de s’émanciper des algorithmes des réseaux sociaux, de choisir le temps passé dessus, de suivre des comptes fiables et éviter de se lancer dans un “scroll infernal”, conseille-t-elle dans une vidéo.
Nightline, l’association qui a investi les réseaux sociaux
Les structures officielles passent aussi par les réseaux sociaux pour sensibiliser directement les jeunes utilisateurs. C’est le cas de Nightline France. L’association propose une ligne d’écoute à destination des étudiants. “Depuis le mois de septembre, Nightline est accompagné par TikTok dans le cadre du programme d’accélération TikTok for good”, explique à Tech&Co Marion Jacquin, reponsable communication de l’association. La plateforme conseille l’association gratuitement lors de sessions au cours desquelles les équipes de Nightline se familiarisent avec TikTok. De cette manière, lorsqu’un utilisateur recherche du contenu sur la santé mentale, les publications de Nightline sont mises en avant par TikTok.
Nightline s’adresse directement aux jeunes à travers ses deux comptes Instagram: Nightline France communique sur les actions de l’association et Nightline Talks partage des ressources sur la santé mentale.
“Les retours que nous avons de la part des étudiants concernent avant tout nos contenus. Ils se disent ‘c’est complètement ça que je vis’, nous essayons d’avoir un processus d’identification à travers des posts positifs”, développe Marion Jacquin.
Grâce à ses contenus, Nightline oriente les étudiants vers des ressources comme cette publication qui dirige vers un annuaire de l’association répertoriant les psychologues gratuits. Le post a fait exploser les clics vers l’annuaire: +400% dans les heures qui ont suivies.
Delphine Py, l’humour pour dédramatiser
“C’est ma fille qui m’a fait découvrir TikTok”, glisse la psychologue Delphine Py, interrogée par Tech&Co. Déjà présente sur Instagram, elle a lancé son compte TikTok à la sortie du premier confinement et rassemble plus de 180.000 abonnés.
“J’ai observé à quel point les jeunes ont été impactés par cette crise sanitaire, je voulais faire de la prévention et de la sensibilisation sur la santé mentale”.
Son compte est mis en avant par TikTok en tant que ressource dans le #santementale, mais n’est pas en contact avec la plateforme comme Nightline.
La psychologue a remarqué à quel point les jeunes s’informent sur les réseaux sociaux et non plus via les moteurs de recherche, il fallait donc aller là où ils sont. “Le problème de ces plateformes est que les jeunes ne savent pas si un contenu est sourcé ou non, je voulais donc proposer des contenus fiables”.
Adopter les codes de TikTok pour s’adresser aux jeunes nécessite de consommer beaucoup de contenus en amont. Et pour imprimer sa patte, Delphine Py fait le choix de publier des vidéos très courtes, ludiques et de passer par l’humour.
“L’humour c’est très thérapeutique, je l’utilise aussi avec mes patients en cabinet”, confie-t-elle.
A travers son compte, elle tente de déconstruire “l’image du psychologue froid” et souhaite avant tout proposer une porte d’entrée vers les cabinets de psychologie. “Je reçois régulièrement des messages de jeunes ayant franchi le pas vers les cabinets de psy”. Le risque reste que les utilisateurs passent par un autodiagnostic sans se faire accompagner par la suite, “pour autant, l’autodiagnostic est une première étape importante”.
Delphine Py observe à quel point la santé mentale est apparue dans tous les champs de la vie quotidienne et que l’on en parle de plus en plus sur les réseaux sociaux. Elle conseille alors aux jeunes utilisateurs de se faire confiance et d’aller vers des comptes fiables. “S’ils ne se sentent pas à l’aise avec un contenu: l’éviter à tout prix, et se renseigner sur la personne qui délivre les informations”.
Leandro Olszanski, le doctorant sur TikTok
Près de 3,5 millions d’abonnés sur TikTok. Un chiffre colossal pour Leandro Olszanski, doctorant en psychologie aux Etats-Unis. En 24h, sa deuxième vidéo a cumulé un million de vues. Son compte affiche deux objectifs: parler à la communauté latino-américaine et s’adresser aux adolescents comme aux parents.
Ayant grandi en Argentine, il a observé que la communauté latino des Etats-Unis n’a pas accès aux cabinets de consultation “parce qu’elle ne parle pas la langue ou parce qu’un vrai lien avec le psychologue ne peut pas s’établir à cause de l’écart culturel”, a-t-il expliqué à l’occasion d’une initiative sur la santé mentale lancée Yahoo. Il a donc choisi de poster son contenu en espagnol.
Ses vidéos humoristiques illustrent des situations du quotidien sur la relation entre les parents et les adolescents. Il s’est mis sur TikTok grâce à sa fille qui lui a donné l’idée et avec qui il a aussi observé le manque de communication et de compréhension entre les adultes et les adolescents.
Il souligne le fait que la technologie évolue si vite, que le décalage ne fait que grandir entre les jeunes et leurs parents. Les ainés ne comprennent pas toujours que la parole sur la santé mentale se libère, notamment sur les réseaux sociaux. “Il est donc nécessaire, dans les vidéos de s’adresser à tout le monde”, souligne Leandro Olszanski. Dans son podcast, il tente également de répondre aux questions des parents et des adolescents, “j’essaie d’aider de toutes les manières possibles”.
En dehors de ces recommandations, il est nécessaire de se poser quelques questions avant de suivre un compte sur la santé mentale: qui me parle? Quelles sont les qualifications du créateur de contenus? Suis-je à l’aise avec le contenu que je suis en train de regarder?