Marcher dans la nuit des Cévennes, c’est saisir ce que peuvent être l’obscurité nocturne et la clarté de la Voie lactée lorsqu’elles ne sont pas polluées par des éclairages artificiels. Seule la lueur d’une myriade d’étoiles guide les pas d’un petit groupe de promeneurs qui déambule à l’orée du village de Brenoux (Lozère). Dans la nuit noire, tous les sens sont en éveil. La plante des pieds cherche les aspérités du chemin. L’oreille se tend aux appels lointains d’une chouette hulotte. Soudain, la « bat box » émet des claquements répétés : ce sont des ultrasons émis par une chauve-souris pour s’orienter, que cet appareil de détection révèle à l’ouïe humaine. « La grande majorité de la faune est nocturne ou crépusculaire, explique Charles Duterte, animateur de l’Association lozérienne pour l’étude et la protection de l’environnement et organisateur de la marche nocturne. La nuit, il se passe plein de choses que l’on ne soupçonne pas ! »
Alors que la pollution lumineuse ne cesse de progresser, le parc national des Cévennes fait partie des derniers bastions de nuit noire en France. Sur son territoire s’étend la plus grande réserve internationale de ciel étoilé (RICE) d’Europe, un label décerné en 2018 par l’association américaine International Dark-Sky, pour préserver ce patrimoine universel en déclin. Aujourd’hui, 60 % des Européens ne voient plus la Voie lactée, selon une étude publiée dans Science Advances. Ainsi, 85 % du territoire métropolitain est exposé à un niveau moyen ou élevé de pollution lumineuse, d’après l’Office français de la biodiversité (OFB). Et selon l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN), l’éclairage public a presque doublé en France depuis vingt ans, sans compter les autres sources lumineuses.
Pour obtenir le label de réserve de ciel étoilé, le parc des Cévennes a dû effectuer des dizaines de mesures démontrant la qualité exceptionnelle de son ciel nocturne, et s’est engagé dans une démarche ambitieuse de réduction des éclairages. « Le label RICE nous a permis d’obtenir des fonds et de dire aux communes : plus vous économiserez de l’énergie, plus vous serez subventionnés pour rénover vos lampadaires. Cela les a incitées à changer de type de lampes – pour les orienter vers le sol, réduire leur intensité et leur spectre lumineux – mais aussi à éteindre en cœur de nuit », explique Richard Scherrer, délégué territorial au parc national des Cévennes. A ce jour, sept mille cinq cents lampadaires sur vingt mille ont été rénovés. Et près de deux tiers des communes pratiquent l’extinction nocturne contre un tiers au niveau national.
Il vous reste 68.03% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.