Notre organe de l’équilibre, le vestibule, est une mécanique de haute précision. Il se niche dans la partie postérieure de l’oreille interne, elle-même creusée dans l’os temporal du crâne – elle héberge aussi, dans sa partie antérieure, l’organe de l’audition, la cochlée.
Plongeons dans les cavités de cet organe, toutes baignées d’un liquide, l’endolymphe. Elles forment un labyrinthe à l’architecture « quelque peu tordue », admettaient Werner Graf et François Klam, deux chercheurs du Collège de France, en 2006. Surtout, elles offrent un « magnifique exemple des capacités “d’ingénierie” de la nature et de l’évolution ».
Chaque oreille compte cinq cavités : trois canaux semi-circulaires et deux autres cavités, l’utricule et le saccule, qui forment le système otolithique. Les trois canaux semi-circulaires (un horizontal, un vertical antérieur et un vertical postérieur) détectent et mesurent les rotations de la tête. Le système otolithique, lui, détecte les translations de la tête. Très sensible à la gravité, il mesure aussi la position absolue de notre tête par rapport à la verticale. « Sur terre, ces deux systèmes fonctionnent en permanence, même lorsque nous dormons », indique Pierre Denise, chercheur au laboratoire Comete de l’lnserm, à Caen.
Le vestibule fait appel à des détecteurs de mouvements particuliers : des cellules bordées de cils, qui tapissent ses cinq cavités. Au repos, le fluide qui baigne ses cavités est immobile. De part et d’autre de notre tête, nos deux canaux horizontaux envoient alors un message équilibré au cerveau. Que se passe-t-il quand nous tournons la tête à droite ? Ce mouvement génère, par inertie, un flux d’endolymphe en sens inverse. Les cils des cellules ciliées s’infléchissent, ce qui déclenche un signal nerveux asymétrique. « Le signal issu du canal horizontal droit augmente, celui du canal gauche diminue », précise Pierre Denise. Ces deux messages concomitants sont envoyés, par l’intermédiaire du nerf vestibulaire, au tronc cérébral, situé à la base du cerveau. De là, ils sont relayés vers le cervelet puis le cerveau.
Une centrale à inertie
On compare souvent nos trois canaux semi-circulaires à une « centrale à inertie », un instrument de navigation qui équipe certains véhicules terrestres, spatiaux ou marins. Comme cet instrument, ils estiment l’orientation et la position d’un mobile – notre tête – à partir de ses seuls mouvements. De façon saisissante, l’architecture de cet instrument semble calquée sur celle de notre oreille interne. Comme si l’inventivité de la nature, ici, avait devancé l’inventivité humaine…
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