Pierre T.
L’amoxicilline, antibiotique incontournable dans le soin des angines et otites, vient à cruellement manquer dans les pharmacies. Et le phénomène est mondial. Autorités sanitaires, fédérations de soignants et pharmaciens hexagonaux tentent de pallier cette pénurie. Mais cette raréfaction de la molécule pose le problème de la souveraineté sanitaire.
C’est l’un des antibiotiques les plus prescrits – notamment aux enfants – et il sert à soigner angines et otites. Toutefois, il approche dangereusement de la rupture de stock. Dans les pharmacies, on s’inquiète en effet de la pénurie d’amoxicilline, surtout sous sa forme liquide. Pire, le problème n’est pas seulement français, il est mondial.
“La rupture est certaine et va arriver dans les jours à venir. Les réserves, il n’y en a plus”, prévient Andreas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire, interrogé par BFMTV. Et le manque devrait durer jusqu’en mars 2023 selon les estimations.
Les prescriptions de l’Agence du médicament
Les autorités sanitaires tentent de faire face. Ou plutôt de limiter la casse. Ainsi, comme le souligne ici France Bleu, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) encadre désormais le nombre de boîtes achetées par les pharmacies. L’institution rappelle de surcroît aux employés de celles-ci de s’assurer auprès du patient que son mal est bien d’origine infectieuse et non virale – auquel cas la molécule est inopérante. L’ANSM recommande également de limiter la durée des prescriptions.
Andreas Werner explique à BFMTV: “Maintenant, à la place de traiter les enfants pendant dix jours avec un antibiotique, vous ne les traitez plus que cinq jours”. “Évidemment, vous prenez un risque infectieux”, reconnaît le médecin avant d’enchaîner: “Mais en attendant avec un seul traitement actuel vous pouvez traiter deux enfants”.
L’ANSM a délivré une ordonnance supplémentaire: elle demande aux laboratoires français de ne plus exporter d’amoxicilline.
“80% de la production en Chine et en Inde”
Il s’agit de parer au plus pressé mais les volumes disponibles ne dépendent pas tellement de la production locale. Car, outre la forte demande, ce sont les difficultés dans la fabrication du médicament à l’étranger qui engendrent la pénurie. Pauline Londeix, co-fondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, développe auprès de BFMTV:
“80% de la matière première pharmaceutique est produite en Chine et en Inde.”
Et la crise énergétique fait à nouveau ressentir ses effets. “Ce qu’on voit, c’est une hausse du prix de l’énergie qui conduit à la fermeture de sites de production de matières premières dont on dépend”, poursuit-elle.
Un mal profond
Le mal est si profond qu’il déborde le seul cas de l’amoxicilline. Le groupement d’intérêt économique (GIE) Gers, cité au Journal officiel le 10 novembre dernier après une question écrite du Sénat, a chiffré à 12,5% le nombre des références de médicaments en rupture d’approvisionnement à la mi-août. Selon Radio Classique, c’est en moyenne plus de 100 articles qui manquent par mois et par officine.
Le dernier constat est peut-être le plus alarmant: le phénomène s’emballe. D’après le rapport d’activité publié, le 21 septembre dernier, par l’ANSM pour l’année 2021, 2160 produits étaient en rupture – ou laissaient entrevoir un risque de rupture – l’an passé contre 871 en 2018, et 538 en 2017.
