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Le plus grand cimetière de Paris est un haut-lieu de la biodiversité, un havre de paix de 430 hectares pour le vivant, les plantes et les animaux.
« Au Père-Lachaise aujourd’hui, les vraies stars avec Jim Morrison sont les renards, qui vivent et se reproduisent depuis 2020. » Promenade automnale au cimetière du Père-Lachaise, dans l’est de Paris, pas loin de la tombe du chanteur des Doors, en compagnie de Benoit Gallot, le conservateur de la plus grande nécropole parisienne. Il en a fait un livre, La vie secrète d’un cimetière (éditions Les Arènes), et se souvient du premier renard qu’il avait croisé pendant le premier confinement. « Dans un cimetière complètement désert, j’ai entendu un bruit dans les feuillages sur ma droite », raconte Benoît Gallot. « Je pensais voir un chat : il y en a quelques-uns au Père-Lachaise, ce sont les mammifères qui occupent les allées. Mais je n’ai pas vu un chat, mais un renardeau, un tout petit renardeau qui devait avoir un mois ou un mois et demi. On s’est regardé quelques secondes, chacun aussi surpris que l’autre. »
Quatre renardeaux sont nés cette année-là au Père-Lachaise, et aujourd’hui deux couples y sont établis. Leur provenance reste un mystère, même si le bois de Vincennes et la Petite Ceinture (l’ancienne voie ferrée qui encercle Paris, aujourd’hui rendue à la nature) ne sont pas loin. Leur installation dans le cimetière fut une bonne nouvelle pour l’équilibre de la biodiversité. « Le renard est un prédateur intéressant vis-à-vis des oiseaux, en particulier des corneilles qui étaient l’espèce dominante », explique Benoît Gallot. « Aujourd’hui, elles ont un prédateur et savent qu’un renard peut les chasser. Il régule aussi les populations de rongeurs. Très opportuniste, le renard mange de tout, des fruits, des insectes, j’en ai même photographié un tenant dans sa gueule un morceau de gâteau marbré ! S’il se reproduit, c’est qu’il trouve une quantité de nourriture largement suffisante. »
Le vivant reprend ses droits
Au Père-Lachaise, il y a aussi des fouines, qui dorment dans de vieux caveaux. Une soixantaine d’espèces d’oiseaux ont été observées, une vingtaine vivant ici à l’année. Les plus bruyants sont les corneilles, « oiseaux emblématiques des cimetières », et les perruches à collier. Avec 430 hectares de nature au cœur de la capitale française, le Père-Lachaise est un haut-lieu de la biodiversité parisienne. Parce que dès que vient la nuit, les humains, sous leur pierre tombale, ne dérangent personne. « Il y a tellement de calme, surtout dès 18 heures, à l’heure de la fermeture, observe le conservateur du cimetière, qui y habite. Là, on est en pleine journée et on n’entend pas le bruit de la ville. Par exemple, les seules chouettes hulottes qu’on entend et observe dans Paris sont au Père-Lachaise. C’est un très bon indicateur, puisque les chouettes hulottes ont besoin de tranquillité, sans pollution lumineuse la nuit. »
Les plantes aussi s’en donnent à cœur joie. Le cimetière compte 4 000 arbres, et certains poussent même sur de vieilles tombes. Le Père-Lachaise est un îlot de fraîcheur pour les humains pendant les canicules, un parc naturel où les chrysanthèmes apportés par les proches des défunts sont désormais bien marginaux au milieu de la végétation foisonnante. « Ça, c’est du géranium herbe à Robert », montre Benoît Gallot. « Il pousse dans les interstices des joints des tombes, où il y a du dépôt. On voit aussi qu’une tombe est recouverte de mousse et c’est un terrain favorable pour la pousse d’autres plantes. On voit que la vie reprend ses droits. C’est une plante intéressante qui ne pouvait pas pousser puisqu’on traitait et on mettait des produits phytosanitaires, parce qu’avant la moindre herbe était mal vue. Aujourd’hui, on essaie de trouver un équilibre entre l’accès aux tombes et la biodiversité. » Un cimetière, c’est plein de morts, et plein de vie aussi.
« Le pétrole, c’est dans ta nature » ?
Le pétrole, mais aussi le gaz et le charbon sont des produits 100% naturels. On les appelle énergies fossiles parce qu’elles ont été piégées dans la roche il y a des dizaines et des dizaines de millions d’années, issues de la décomposition de matières organiques. Tout ce qu’il y a de plus naturel donc : des plantes, du plancton dans les océans… Mais aujourd’hui, quand on les brûle, on libère du CO2. 80% des émissions de gaz à effet de serre proviennent des énergies fossiles. Les réserves dans le sol sont estimées à 3 500 milliards de tonnes de gaz à effet de serre ; c’est sept fois plus que le budget carbone qu’il nous reste pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré. Oui, le pétrole est dans la nature, et ce serait mieux qu’il y reste.