Une collaboration scientifique entre les États-Unis et l’Australie a permis de découvrir que le VIH laisse des traces permanentes dans les cellules qu’il infecte.
Les scientifiques de l’université George-Washington et leurs collègues australiens ont découvert que le VIH modifie durablement les cellules immunitaires, exposant l’organisme à une inflammation chronique qui ne disparaît pas avec la suppression de l’infection par des médicaments. C’est la protéine Nef qui est à l’origine de ce mécanisme ; celle-ci n’est pas nécessaire à la réplication du virus mais indispensable à sa virulence.
La protéine Nef modifie l’expression des gènes dans les cellules immunitaires
La protéine Nef est l’une des protéines accessoires codées par le VIH. Elle est impliquée dans la disparition des lymphocytes T4 et dans l’apparition du Sida, stade ultime de l’infection où les défenses immunitaires sont très affaiblies (moins de 200 cellules par millimètre cube de sang). Sans cette protéine, le VIH est infectieux mais ne déclenche pas la maladie.
Les expériences in vitro présentées dans la publication parue dans Cell Reports montrent que la protéine Nef modifie l’état d’expression de certains gènes pro-inflammatoires. Des monocytes humains, un type de globule blanc, ont été cultivés en présence de la protéine Nef dans des conditions qui miment l’infection naturelle chez une personne séropositive pour le VIH, traitée avec des antirétroviraux. Les cellules exposées à Nef produisent beaucoup plus de molécules pro-inflammatoires que celles qui ne l’ont pas été lorsque l’ajout d’une toxine bactérienne déclenche l’immunité. Du côté de l’ADN, les scientifiques ont observé que la protéine a modifié l’état d’expression de ces gènes en jouant sur la chromatine. Ils sont constamment dans un état « prêt à être exprimé ».
Le concept d’immunité entraînée
Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi les personnes infectées par le VIH et traitées par des anti-rétroviraux souffrent d’une inflammation chronique qui exacerbe leur risque de développer des problèmes cardiovasculaires et d’autres comorbidités. Les scientifiques appellent cela « l’immunité entraînée », un concept assez récent qui a émergé en 2011. À l’image de la mémoire immunitaire, qui concerne l’immunité adaptative et engendre la production d’anticorps spécifiques d’un pathogène, l’immunité entraînée concerne l’immunité innée et engendre la production de molécules non spécifiques, les cytokines pro-inflammatoires.
« Bien que cette “immunité entraînée” ait évolué comme un processus immunitaire bénéfique pour se protéger contre de nouvelles infections, dans certains cas, elle peut conduire à des résultats pathologiques. Cela dépend de la durée de cette mémoire, et une mémoire durable peut sous-tendre des conditions inflammatoires de longue durée comme nous le voyons dans l’infection par le VIH ou le Covid long », explique Michael I. Bukrinsky, principal auteur de l’étude.