COMMENT L’APPRENTISSAGE NON SUPERVISÉ NOUS AIDE À DÉTECTER LES TRANSITIONS DE PHASES ET LES PHÉNOMÈNES ÉMERGENTS ?
Introduction
Les transitions de phase ou phénomènes critiques sont l’un des phénomènes les plus intrigants des sciences naturelles. Elles se manifestent généralement dans la transition entre les états de la matière tels que solide, liquide et gaz mais transcendent les domaines de la physique, de la biologie et de la sociologie. Les schémas émergents de ces transitions ne sont cependant pas toujours facilement détectables. Par conséquent, les techniques d’apprentissage non supervisé peuvent être utilisées pour nous aider à repérer ces phénomènes.
Transition de phase et phénomènes émergents
Lorsqu’un système passe par une transition de phase, il affiche une variété de modèles macro-structuraux complexes générés par l’interaction de composants micro-structuraux. Ils donnent ainsi naissance à des modèles émergents. La description la plus simple de ces phénomènes a été faite par Landau dans les années 1930, où il a introduit le concept de paramètre d’ordre φ qui peut être un scalaire, un vecteur ou même un tenseur. Le paramètre d’ordre fournit des informations sur les phases du système et la transition entre elles. Il est possible de définir l’ordre de transition de phase comme étant de premier ou de second ordre.
L’un des modèles les plus simples de transition de phase
Le modèle d’Ising 2D est l’un des modèles les plus simples pour les matériaux ferromagnétiques et se compose d’une grille de spins décrits par une variable discrète prenant seulement deux valeurs σᵢ = -1, 1 (spins “haut” et “bas”). L’interaction entre ces spins est donnée par la fonction appelée Hamiltonien qui est contrôlée par la température T du système. Ce système est célèbre pour passer par une transition de phase du second ordre, à une température critique Tc. À T < Tc, la température est sub-critique, où les spins sont pratiquement tous alignés. À T > Tc, à la température super-critique, les spins sont tous approximativement distribués de façon aléatoire. Le modèle à la température critique présente des schémas espace-temps très intéressants appelés schémas émergents avec plusieurs implications et qui sont étudiés dans divers domaines.
Apprentissage non supervisé pour trouver les transitions de phase
Les transitions de phases ou les paramètres d’ordre ne sont pas toujours facilement trouvés, de sorte que certaines techniques d’apprentissage non supervisé et de réduction de dimension peuvent aider à les trouver. Une technique simple et courante de réduction de dimension est l’analyse en composantes principales (PCA), qui est largement utilisée dans divers systèmes physiques pour aider à résoudre ce problème.
En appliquant le PCA à des configurations d’état, c’est-à-dire, à l’espace multidimensionnel dans lequel chaque état du système est situé, le PCA trouve les variations linéaires les plus significatives dans les données. Ainsi, la méthode résout une combinaison linéaire des vecteurs de base qui forment chaque état du système de sorte que la variance augmente de manière monotone. Soyons clairs, cela permet de trouver les transitions de phase et les phénomènes émergents dans de nombreux cas.
La recherche de la transition de phase
Pour le modèle d’Ising 2D, le PCA peut être réalisé et peut même conduire à l’identification du paramètre d’ordre. Les configurations de spins non corrélatifs peuvent être générées à différentes températures allant de T/J = 1,6 à 2,9, en supposant l’existence de la température critique dans cette plage, et en regroupant chaque simulation dans une matrice MxN, où M = 900 est le nombre total de configurations, et N est le nombre de spins sur la grille. Ainsi, tous les éléments de la première ligne de la matrice, (S₁ⱼ), seront un spin σᵢ = -1,1 de la simulation 1 à la température T = 1,6, et dans la deuxième ligne de la matrice, (S₂ⱼ), il y aura un spin σᵢ = -1,1 de la simulation 2 à la température T = 1,62. Avec l’utilisation de seulement deux composants, l’apparition de clusters pour différentes températures est évidente, avec des clusters bien caractérisés pour les cas surcritiques T > Tc et sous-critiques T < Tc, tandis que les configurations près de la transition de phase sont dispersées. À ce stade, il est possible d’utiliser d’autres algorithmes supervisés pour séparer ces clusters.
Conclusion
En utilisant des techniques de réduction de dimension et d’apprentissage non supervisé, il est possible de détecter le comportement critique du modèle sans même supposer l’emplacement et l’existence de la transition de phase, ou même d’autres informations en dehors des données de configuration du système. Cela s’avère très utile dans des modèles plus complexes qui n’ont pas de solution analytique, avec des transitions de phase et des phénomènes émergents compliqués.